Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/421

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évoquant la passion pour la vaincre, chantant, pleurant et criant au milieu de l’orage, planté comme Ajax sur un rocher de désolation, et ayant toujours l’air de dire à son rival, — homme, foudre, dieu ou matière — : « Enlève-moi, ou je t’enlève ! » ne pouvait pas non plus mordre sur une espèce assoupie dont les yeux sont fermés aux miracles de l’exception.

Champfleury, avec un esprit enfantin et charmant, s’était joué très-heureusement dans le pittoresque, avait braqué un binocle poétique (plus poétique qu’il ne le croit lui-même) sur les accidents et les hasards burlesques ou touchants de la famille ou de la rue ; mais, par originalité ou par faiblesse de vue, volontairement ou fatalement, il négligeait le lieu commun, le lieu de rencontre de la foule, le rendez-vous public de l’éloquence.

Plus récemment encore, M. Charles Barbara, âme rigoureuse et logique, âpre à la curée intellectuelle, a fait quelques efforts incontestablement distingués ; il a cherché (tentation toujours irrésistible) à décrire, à élucider des situations de l’âme exceptionnelles, et à déduire les conséquences directes des positions fausses. Si je ne dis pas ici toute la sympathie que m’inspire l’auteur d’Héloïse et de l’Assassinat du Pont-Rouge, c’est parce qu’il n’entre qu’occasionnellement dans mon thème, à l’état de note historique.

Paul Féval, placé de l’autre côté de la sphère, esprit amoureux d’aventures, admirablement doué pour le grotesque et le terrible, a emboîté le pas, comme un