Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/143

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beau, si inviolable. Te voilà femme, maintenant. —Et si, par malheur pour moi, j’acquiers le droit d’être jaloux ! ah ! quelle horreur seulement d’y penser ! mais, avec une personne telle que vous, dont les yeux sont pleins de sourires et de grâces pour tout le monde, on doit souffrir le martyre.

La seconde lettre porte un cachet d’une solennité qui me plairait, si j’étais bien sûr que vous la comprenez. Never meet or never part ! Cela veut dire positivement qu’il vaudrait bien mieux ne s’être jamais connu, mais que quand on s’est connu on ne doit pas se quitter. Sur une lettre d’adieux, ce cachet serait très plaisant.

Enfin, arrive ce que pourra. Je suis un peu fataliste. Mais ce que je sais bien, c’est que j’ai horreur de la passion, — parce que je la connais, avec toutes ses ignominies ; — et voilà que l’image bien aimée qui dominait toutes les aventures de la vie devient trop séduisante.

Je n’ose pas trop relire cette lettre ; je serais peut-être obligé de la modifier, car je crains bien de vous affliger ; il me semble que j’ai du laisser percer quelque chose de la vilaine partie de mon caractère.

Il me paraît impossible de vous faire aller ainsi dans cette sale rue J.-J.-Rousseau. Car j’ai bien d’autres choses à vous dire. Il faut donc que vous m’écriviez pour m’indiquer un moyen.

Quant à notre petit projet, s’il devient possible, avertissez-moi quelques jours d’avance.

Adieu, chère bien aimée ; je vous en veux un peu d’être trop charmante. Songez donc que, quand