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Lettres — 1854

verrons plus tard s’il y a lieu pour moi d’être loué. Du reste, je sens très bien que je vais faire sur moi-même, — et cela aura été, il faut le dire, à votre instigation, — une grande épreuve. Dans peu de temps d’ici, je saurai si je suis capable d’une bonne conception dramatique. C’est du reste à ce sujet, et pour vous mettre au courant de cette conception, que je vous écris une lettre un peu longue, que j’avais le projet de vous écrire depuis plusieurs jours, et que je remettais de jour en jour.

Je désire fortement que nous nous entendions très bien. — Je sens que je peux avoir besoin de vous, et je crois que dans de certains cas vous devez mieux que moi distinguer le possible de l’impossible.

Quoique ce soit une chose importante, je n’ai pas encore songé au titre : Le Puits ? L’Ivrognerie ? La Pente du mal ? etc…

Ma principale préoccupation, quand je commençais à rêver à mon sujet, fut : à quelle classe, à quelle profession doit appartenir le personnage principal de la pièce ? — J’ai décidément adopté une profession lourde, triviale, rude : le scieur de long. Ce qui m’y a presque forcé, c’est que j’ai une chanson dont l’air est horriblement mélancolique, et qui ferait, je crois, un magnifique effet au théâtre, si nous mettons sur la scène le lieu ordinaire du travail, ou surtout si, comme j’en ai une immense envie, je développe au troisième acte le tableau d’une goguette lyrique ou d’une lice