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IV

LE HASCHISCH[1]


Quand on fait la moisson du chanvre, il se passe quelquefois d’étranges phénomènes dans la personne des travailleurs mâles et femelles. On dirait qu’il s’élève de la moisson je ne sais quel esprit vertigineux qui circule autour des jambes et monte malicieusement jusqu’au cerveau. La tête du moissonneur est pleine de tourbillons, d’autres fois elle est chargée de rêverie. Les membres s’affaissent et refusent le service. Du reste, il m’est arrivé à moi, enfant, jouant et me roulant dans des amas de luzerne, des phénomènes analogues.

On a essayé de faire du haschisch avec du chanvre de France. Tous les essais, jusqu’à présent, ont été

  1. Dans cette première étude sur le Haschisch, publiée dix ans avant celle qui précède, on retrouvera naturellement plus d’une observation répétée dans la rédaction définitive. L’auteur n’avait pas dû se faire scrupule de se copier lui-même à dix ans de distance ; et il reproduit parfois et presque dans les mêmes termes tel fait, telle anecdote déjà cités dans son premier travail. Malgré le mauvais effet des doubles emplois, nous nous sommes abstenus de rien changer au texte ; et nous avons trouvé moins d’inconvénient à quelques répétitions inévitables qu’à des suppressions qui auraient détruit les proportions et l’économie de l’une ou de l’autre rédaction.