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RUE PRINCIPALE

un peu avant minuit, Léon Sénécal, le marchand de tabac, allait fermer boutique et comptait les recettes de la journée, quand un escarpe, la figure masquée d’un mouchoir de soie noire, avait fait irruption dans le magasin et, revolver au poing, avait raflé le contenu du tiroir-caisse.

一 Non, répondit Bob, toujours pas de nouvelles. D’ailleurs, je ne m’en occupe pas, moi, de cette affaire-là : c’est Couture qui en est chargé.

一 Eh, viande de bœuf ! s’écria Mathieu en donnant libre cours à son indignation, il faut tout de même avoir du front tout le tour de la tête, pour oser entrer dans une boutique quand il y a encore tant de monde dans la rue, et mettre un revolver sous le nez d’un marchand !… Il doit avoir eu peur une minute et quart, ce pauvre Léon !

— Tu peux le dire qu’il ne faut pas avoir froid aux yeux ! Et puis tu sais, on aura bien du mal à le retrouver celui qui a fait ce coup-là !… D’abord vois-tu…

Mais Mathieu ne sut pas tout de suite pourquoi Bob doutait de l’arrestation du coupable : une dame plantureuse venait de franchir son seuil et il se précipita à sa suite.

Bob, resté seul, alluma une cigarette et, sans cesser de surveiller le hall du théâtre, sembla se passionner pour le spectacle d’un bambin de cinq ou six ans qui faisait, sur une vieille paire de patins à roulettes, un apprentissage chancelant.

Bientôt Mathieu reparut : mais au rouge déjà prononcé de ses joues semblait s’être ajouté une dose supplémentaire de carmin. Le brave homme fulminait.

— A-t-on idée de ça ? Oser venir me dire à mon nez que mes côtelettes sont trop grasses !

— Qui ça ?