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RUE PRINCIPALE

— Oui, je vois ça d’ici, interrompit-il brusquement. Tu t’es plainte que ton frère ne travaillait pas et qu’il n’avait pas l’air de vouloir travailler !

— Comment peux-tu dire, Marcel ?

— Tiens ! si tu ne lui avais pas dit que je ne travaillais pas, il n’aurait pas pu le sucer de son pouce, ce vieux-là !

— Naturellement que je le lui ai dit ! Mais je ne me suis pas plainte. Je lui ai dit que tu cherchais une position et que tu espérais bien en trouver une bientôt. Il m’a répondu qu’il avait beaucoup de relations à Montréal, qu’il pourrait peut-être te donner un coup d’épaule, mais qu’en attendant, si tu voulais travailler avec lui, il te donnerait quinze dollars par semaine.

Ça n’est pas riche !

— C’est un dollar de plus que je ne gagne, Marcel.

— Peut-être. Mais comment se fait-il qu’il ait besoin de quelqu’un pour travailler avec lui, puisqu’il est rentier et que les rentiers ça n’a généralement rien à faire ?

— Il a une bibliothèque de dix mille volumes et il veut la cataloguer. Il prétend qu’à deux il y en a au moins pour six mois.

— Ainsi, ce que tu viens m’offrir, c’est d’aller m’enterrer toute la journée dans une vieille maison, avec un vieux bonhomme et au milieu d’un tas de vieux bouquins !

— Tu ne vas pas refuser ça ?

— Certainement que je refuse !

Ninette n’en croyait pas ses oreilles.

— Marcel ! s’écria-t-elle, indignée.

— Oh ! non. Quand j’aurai l’âge du vieux bonhomme, peut-être bien. Mais à vingt ans, il n’y a pas grand danger ! D’ailleurs, je n’ai pas le temps.