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LES LORTIE

chait avec tant de détermination, avec tant de farouche énergie, eh bien, ce serait tant mieux ; la tâche de l’avocat s’en trouverait d’autant allégée. Mais elle ne pouvait plus attendre ; il fallait agir, agir, agir tout de suite !

Mais comment agir ? Quoi faire ? Où s’adresser ? D’abord, il fallait qu’elle reste là, dans cette cage de verre, pendant plus d’une heure encore, à attendre l’arrivée de Cunégonde. Et quand Cunégonde l’aurait remplacée, où courrait-elle ? À quel défenseur de la veuve et de l’orphelin irait-elle demander de sauver son frère ? Au petit Lachapelle ? C’était un gentil garçon qui y mettrait sans doute des océans de bonne volonté mais qui, tout frais émoulu de l’université, serait écrasé, perdu dès les premières attaques du vieux jouteur qu’était maître Théodore Falardeau, le procureur de la couronne. À qui alors ? Au vieux Rosaire Bouthillier ? Tout le monde savait qu’il n’avait jamais eu le moindre talent ! D’ailleurs, René Lamarre ne disait-il pas encore l’avant-veille, qu’il n’avait aucune confiance en l’habileté professionnelle des avocats locaux ? René Lamarre ! Mais justement, ne lui avait-il pas offert d’obtenir pour Marcel les services de l’une des gloires naissantes du barreau de Montréal ? D’un jeune maître que quelques causes retentissantes avaient consacré, et qui promettait d’être bientôt l’avocat criminel le plus recherché de la métropole ? Évidemment, elle avait accueilli les offres du gérant plutôt froidement, plus préoccupée qu’elle était de couvrir sa gorge et ses jambes que d’écouter ses propos. En somme, elle avait peut-être, elle avait certainement eu tort. Que Lamarre se fut montré auprès d’elle un peu plus assidu qu’un patron n’aurait dû l’être auprès de son employée, c’était incontestable, mais cela n’impliquait pas nécessairement qu’il ne pouvait être sincère quand il disait vouloir l’aider.