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LES LORTIE

rébarbatif à la raison. Il partait au premier tour mais s’étouffait aussitôt.

— On dirait que c’est votre carburateur qui ne prend pas son essence, dit Lamarre.

— Oh ! vous savez, répondit Suzanne, je n’y connais pas grand chose.

Lamarre ouvrit le capot.

— Si ça dure longtemps, se dit Ninette, nous allons arriver trop tard pour voir l’avocat.

— Dites donc ! s’écria le mécanicien amateur, comme saisi d’une inspiration soudaine, êtes-vous bien sure d’avoir de l’essence ?

— Si je suis sûre de…

— D’avoir de la gazoline, oui ? Vous savez, si perfectionnés que soient les autos aujourd’hui, on n’a pas encore trouvé le moyen de les faire fonctionner sans carburant.

Il alla, en contrebas de la route, cueillir un rameau de peuplier et, s’en étant servi pour jauger le réservoir, il décréta :

— Sec comme le désert du Sahara !

— Qu’est-ce que je vais faire ?

— Mais c’est très simple ; il ne faut pas vous désoler pour si peu de chose. Je vais arrêter au garage Trudeau et donner l’ordre qu’on vous apporte un gallon d’essence. Dans dix minutes vous serez repartie !

Suzanne se confondit en remerciements, et Lamarre revint prendre place à côté de Ninette.

— Soyez patiente, cria-t-il en appuyant sur le démarreur. Vous allez voir que ça ne sera pas une traînerie !

Restée seule sur la route, Suzanne regarda s’éloigner le roadster. Un sourire aussi énigmatique que peu rassurant retroussa légèrement sa lèvre supérieure.