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RUE PRINCIPALE

— J’avoue sans peine, poursuivit Blanchard, que depuis quatorze ans je n’ai pas eu un adversaire de votre force. Vous avez peut-être des ressources que les autres n’avaient pas. Ainsi, par exemple, personne avant vous n’a eu les moyens d’acheter le journal qui me soutenait.

— C’est du Clairon, sans doute, que monsieur veut parler ?

— Mais… naturellement.

— Eh bien apprenez, si vous ne le savez pas encore, que je n’ai pas le moindre intérêt dans l’administration de ce journal.

— Je veux bien vous croire, mais enfin tout le monde sait que c’est votre organisateur qui en est devenu le propriétaire.

— Dans ce cas, si tout le monde le sait, c’est que ce n’est pas un mystère ! Mais tout ça ne me dit toujours pas où vous voulez en venir !

— Je suis venu ici, monsieur Lecrevier, avec un tas d’arguments, pour la plupart excellents, et destinés à vous convaincre qu’en me faisant la lutte vous perdez votre temps, car je suis imbattable.

— Té ! ce n’est pas la modestie qui vous étouffera jamais, vous alors !

— Je m’aperçois cependant que j’aurai de la misère à vous faire partager mon opinion.

— Ça, vous pouvez le dire !

— Alors voilà ! Je vais aller droit au but !

— Et vous aurez raison, bonne mère ! Ça commence à faire longtemps que vous tournez autour du pot et que vous m’empêchez de surveiller les miens !

Mais aller droit au but semblait assez difficile. Blanchard taquinait nerveusement la breloque d’or de sa chaîne de montre, semblait s’intéresser