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ANDRONICUS.

même que celui qui a inventé la thériaque. Le temps où il le fait vivre, et la patrie qu’il lui donne, conduisent à croire qu’il n’y a ici qu’un Andromaque. Je crois néanmoins que le silence de Vossius est un silence de précaution. Il ne voyait pas assez clair dans cette affaire ; il n’a osé rien dire, ni pour, ni contre. Moréri, bien plus hardi, a décidé qu’Andromaque le médecin de Néron, et Andromaque l’astrologue, le premier qui ait écrit de la théorie des planètes, sont une seule et même personne. Je croirais facilement que l’astrologie d’Andromaque est une chimère ; car M. Drelincourt, oracle que je ne consultais jamais sans avoir lieu d’admirer l’étendue et l’exactitude de son érudition, eut la bonté de m’apprendre, avec plusieurs autres choses dont je me suis servi dans cet article, que l’Inventor theoricarum de Clavius est une faute, laquelle on doit corriger par Inventor theriacarum. Les deux témoins de Vossius sont anéantis par-là, pour ce qui concerne la théorie des planètes : l’un ne parle que d’Andronicus, et l’autre ne donne à Andromachus que l’invention de la thériaque. Nous avons ici un exemple bien sensible des erreurs que les fautes d’impression et de copiste font commettre aux hommes doctes. Blancanus, sur la foi de Clavius, a mis Andromaque parmi les mathématiciens : Andromachus Cretensis, quem theoricarum inventorem facit Clavius [1]. Je dis la même chose touchant Vossius. On n’a donc point d’autre fondement qu’une faute d’impression, qu’un changement de theriacarum en theoricarum, pour dire qu’Andromaque est le premier qui ait écrit de la théorie des planètes. M. Drelincourt fortifiait sa conjecture, entre autres raisons, par celle-ci : C’est que l’épithète d’Inventor ne vaut rien avec la théorie des planètes, qui était d’ailleurs connue avant l’empire de Néron ; mais Inventor, joint avec theriacarum, va le mieux du monde pour Andromachus. Il se pourrait faire qu’une semblable méprise des imprimeurs où des copistes eût érigé en astrologue notre Andromaque entre les mains de Clavius, ou entre les mains de l’auteur que Clavius a suivi, soit médiatement, soit immédiatement. Pour l’Andronicus de Gauric, ou pour quelque nom semblable, on aura pu imprimer Andromachus. Sur cela, ceux qui auront su qu’un Andromachus de Crète a été médecin de Néron, et inventeur de la thériaque, auront ajouté ces titres et ces éloges au mot Andromachus, en donnant la liste des astrologues.

  1. Blancan., in Mathematicor. Chronologiâ, pag. 50.

ANDRONICUS, philosophe péripatéticien, natif de l’île de Rhodes, vint à Rome au temps de Pompée et de Cicéron (A), et y travailla puissamment à la gloire d’Aristote, dont il fit connaître les écrits (B), après les avoir tirés de la confusion où ils étaient, et leur avoir donné un ordre plus méthodique (C). La destinée de ces écrits avait été fort singulière, comme nous le dirons en un autre lieu [a]. On ne saurait bien représenter le grand service qui fut rendu alors par Andronicus à la secte des péripatéticiens. Peut-être ne serait-elle jamais devenue fort célèbre, s’il n’eût pris un soin si particulier des œuvres du fondateur. Ce soin procura beaucoup de gloire à Andronicus [b]. Quelques savans ne lui attribuent pas la paraphrase de la Morale d’Aristote (D) ; d’autres la lui attribuent, et prétendent qu’il a aussi composé le petit livre des Passions, que David Hoeschelius publia l’an 1593. Il est certain qu’Andronicus avait publié quelque chose ; car Aulu-Gelle, faisant un chapitre [c] sur

  1. Dans les remarques de l’article Tyrannion.
  2. Quem cùm acutum diligentemque Aristotelicorum librorum et judicem et repertorem judicaverit antiquitas. Boëtius, Proœmio libri de Interpretat.
  3. C’est le Ve. du XXe. livre.