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ANABAPTISTES.

abusés, et qui s’était tant vanté d’enthousiasmes[a], fut pris et décapité l’an 1525[b]. Les disciples qu’il avait laissés en Suisse y multiplièrent la secte et y causèrent beaucoup de troubles, et il fallut recourir aux lois pénales les plus sévères pour arrêter les progrès de l’anabaptisme. Il fallut faire la même chose dans plusieurs villes d’Allemagne et ailleurs. Les ministres, à la vérité, réfutaient soigneusement ces sectaires ; mais, comme cela ne produisait pas le fruit que l’on souhaitait, les magistrats suppléaient à ce défaut par les voies de l’autorité (B). Les anabaptistes firent beaucoup de progrès dans la Moravie, et ils y en eussent fait davantage, malgré les oppositions sévères du bras séculier, s’ils ne se fussent pas divisés en deux factions[c]. Il n’y eut point de ville plus tourmentée de ces gens-là que celle de Munster (C). Chacun sait qu’ils s’en rendirent les maîtres, et que Jean de Leide, le roi de cette nouvelle Jérusalem, se défendit tant qu’il put ; mais qu’enfin, la ville ayant été prise, il fut puni du dernier supplice l’an 1536. Les anabaptistes de Frise et de Hollande désapprouvèrent en plusieurs choses la conduite de leurs frères de Munster, et ne laissèrent pas d’exciter beaucoup de troubles[d]. L’un de leurs principaux chefs se nommait Mennon. On se servit des moyens les plus efficaces dont on se put aviser pour l’extirpation de cette secte ; mais on n’en vint point à bout[e]. Elle s’est conservée jusqu’à présent dans les Provinces-Unies. Il est vrai que peu à peu elle s’est guérie de ses principales faiblesses (D) : elle ne se vante plus d’enthousiasme, elle ne s’oppose point aux ordres des magistrats, elle ne prêche plus l’affranchissement total de toute sorte de sujétion, la communauté de biens, et choses semblables. Elle a souffert une infinité de subdivisions (E), comme il est inévitable à toute secte qui ne se gouverne point par le principe de l’autorité. Elle se vante d’un grand nombre de martyrs (F). Son martyrologe est un gros in-folio. Je ne crois point qu’aucun auteur ait parlé d’elle aussi équitablement que George Cassander (G). Les théologiens protestans l’ont combattue avec zèle dans les Provinces-Unies, et ont obtenu en divers temps quelques édits pour la réprimer (H). Néanmoins elle y jouit de la tolérance. On dit que M. van Beuning raisonna un jour là-dessus avec M. de Turenne (I) fort solidement et fort vivement. Les livres que l’on a écrits touchant cette secte et contre ses dogmes sont innombrables (K). Je ne dois pas oublier qu’on n’a pu encore l’éteindre parmi les Suisses, quoiqu’on ait usé des voies de la rigueur en divers temps[f]. Je

  1. Voyez son article. [Bayle ne l’a pas donné.]
  2. Moréri a tort de dire que cet hérésiarque se vantait, environ l’an 1542, que le Saint-Esprit lui révélait, etc.
  3. Celle des Huttériens, et celle des Gabriélistes.
  4. Voyez l’article Picards, remarque (D).
  5. Tiré d’une dissertation de Frideric Spanheim le père, de Origine, Progressu, Sectis et nominibus Anabaptistarum, imprimée à Leide, l’an 1643. Jean Cloppenbourg l’a insérée dans sa Gangræna Theologiæ anabaptisticæ, imprimée à Franeker, l’an 1656, in-4°.
  6. Voyez Stoupp. Relig. des Holland.