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ANGLUS.

ANGLUS (Thomas), prêtre anglais, ne s’est pas moins fait connaître par la singularité de ses opinions, que par la multitude de ses petits livres, dans le XVIIe. siècle. Il était d’une fort bonne maison, et il l’a souvent indiqué sur le frontispice de ses ouvrages (A). Il a porté plusieurs noms (B) ; et il y a peu de pays en Europe où il n’ait fait du séjour. Il fut principal de collège à Lisbonne, et sous-principal à Douai [a]. Rome et Paris lui ont fourni de longues stations. Il a été long-temps domestique du chevalier Digby, et il a témoigné publiquement qu’il avait une estime très-particulière pour les opinions de ce gentilhomme (C). Il se piqua de persévérer dans le péripatétisme, et de résister aux lumières que M. Descartes voulut lui donner (D). Il prétendit même faire servir les principes d’Aristote à l’éclaircissement des plus impénétrables mystères de la religion ; et dans cette vue, il se mêla de manier les matières de la liberté, et de la grâce. Il s’y embarrassa, et pour avoir donné trop l’essor à ses pensées particulières, il ne plut, ni aux molinistes, ni aux jansénistes. Il avait l’esprit assez pénétrant et assez vaste ; mais il n’était pas heureux à discerner les idées qui méritaient de servir de règle et de fondement, ni à développer les matières [b]. C’était un philosophe et un théologien hétéroclite. Quelques-uns de ses ouvrages ont été flétris à Rome par la congrégation de l’index, et en d’autres lieux par les censures des académies (E). Il eut un sentiment fort particulier sur l’état des âmes séparées du corps, et sur la facilité d’acquérir le paradis. Je ne sais pas bien en quelle année il est mort : il ne l’était pas, lorsque Charles II fut rétabli sur le trône d’Angleterre. J’ai vu des livres de sa façon, composés depuis le mariage de ce prince avec l’infante de Portugal. Il ne fut point ami des jésuites, et il n’aurait pas été fâché qu’ils l’eussent jugé digne de leur colère (F). J’ai ouï dire, qu’au commencement des troubles qui s’élevèrent entre Charles Ier. et le parlement, il écrivit en anglais pour soutenir avec l’église anglicane le sentiment de l’obéissance passive.

(A) Il était de bonne maison, et il l’a souvent indiqué sur le frontispice de ses ouvrages. ] Par exemple, ses trois dialogues de Mundo, imprimés à Paris, en 1642, contiennent au titre, Authore Thomas Anglo, è generosâ Albiorum in Oriente Trinobantum prosapiâ oriundo.

(B) Il a porté plusieurs noms. ] Voici ce que M. Baillet remarque sur ce sujet : M. Digby « avait près de lui le fameux Thomas Anglus, gentilhomme anglais, prêtre catholique, d’une des plus anciennes maisons d’Angleterre, revêtu d’un extérieur hibernois, vivant dans une grande mais volontaire pauvreté. Son vrai surnom était White, qu’il avait coutume de déguiser, tantôt en Candidus, tantôt en Albius [* 1], quelquefois en Bianchi, quelquefois en Richworth ; mais il n’était presque connu en France que sous le nom de Thomas Anglus.......... M. Descartes l’appelait ordinaire-

  1. (*) Albius était équivoque, à cause d’Albion et d’Albus.
  1. Voyez le livre intitulé Statera appensa, etc. pag. 50.
  2. Voyez, quant à son obscurité, la remarque (D).