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ANNAT.

mier de tous, à l’exemple de Clovis, et qui prit pour son cri de guerre, Dieu aide au premier chrétien. On dit que les seigneurs de Montmorenci descendent de celui-là, et qu’ils se sont dits, par cette raison, premiers barons chrétiens.

(C) Voici quelque chose d’assez curieux touchant l’Anti-Anicien. ] Selon M. Baillet, le manuscrit de Streinnius demeurera toujours supprimé, pour deux raisons : l’une est celle que Lambecius a déclarée ; c’est que cet ouvrage est imparfait : l’autre, plus importante et sur laquelle il n’avait garde de rien dire, est que l’Anti-Anicien n’est point composé sur les préjugés du vulgaire des pays héréditaires, ni sur les idées de ceux qui, pour faire leur cour à leur empereur, ont fait remonter la maison d’Autriche jusqu’aux Aniciens de l’ancienne Rome... L’auteur l’avait entrepris pour fronder les moines de saint Benoît en Allemagne, sur ce qu’ils paraissent infatués de leur parenté avec la maison d’Autriche, et pour réfuter en particulier le livre d’un bénédictin flamand, nommé Arnold Wion, qui, par un enchaînement de rêveries, avait fait voir les deux branches de la famille romaine Anicia, l’une pour les princes de la maison d’Autriche, l’autre pour son patriarche saint Benoît [1]. M. Baillet ajoute que si Richard Strein n’a point parlé des Aniciens dans son livre des familles romaines, c’est parce que ce n’était pas une des familles de la vieille roche. Il nous apprend que Lambecius avait conçu le dessein de répondre à l’Anti-Anicien de Streinnius dans les Prolégomènes des Annales d’Autriche qu’il promettait...... et qu’il semble qu’il avait choisi pour servir de fondement et de modèle à sa réponse [* 1] le livre qu’un abbé bénédictin, mais de l’ordre de Cîteaux, nommé Jean Seyfrid, publia douze ans après la mort de Streinnius, sous le titre d’Arbor Aniciana ; mais que, quand ce Seyfrid aurait eu intention d’attaquer l’Anti-Anicien, on peut dire que Streinnius aurait été vengé suffisamment par Scioppius, qui publia l’an 1651, une petite dissertation, pour tourner en ridicule ce Seyfrid et ses semblables, justement dans le temps qu’un autre moine benédictin, nommé Bucelin, pour augmenter le nombre des ridicules, mit au jour son Aquila imperii Benedictina. Ce n’était plus en cette occasion, continue M. Baillet, ce médisant et satirique Scioppius ; c’était un fidèle et zélé serviteur de la maison d’Autriche, un conseiller de l’empereur et du roi d’Espagne, attaché aux intérêts des princes de leur nom par plus d’un enchaînement, infiniment plus savant que ces rêveurs oisifs ; qui s’était rendu terrible en matière de fausses généalogies plus de quarante ans auparavant, par son Scaliger Hypobolimée. Si donc Scioppius, tout dévoué qu’il était d’ailleurs à la maison d’Autriche, a cru devoir s’opposer aux vanités et aux chimères de la généalogie anicienne de ces moines, c’est un préjugé que leurs inventions ne font point honneur aux princes de la maison d’Autriche, ni aux disciples de saint Benoît, et que l’Anti-Anicien de Streinnius doit être quelque ouvrage d’importance... Encore que Seyfrid ait avancé que saint Thomas était de l’illustre famille des Aniciens, il n’est pas à espérer qu’un jacobin français s’avise jamais de faire un Aquila imperii Thomistica. Cet avantage est peut-être réservé à quelque dominicain allemand ou espagnol, serviteur zélé de la maison d’Autriche. Je demande à mon lecteur de ne me considérer en tout ceci que sur le pied de simple copiste.

  1. (*) Tome II, Comment Biblioth. Vindobon., pag. 418 et seqq.
  1. Baillet, tom. II, des Anti, num. CLIV, pag. 228 et suivantes.

ANNAT [* 1] (François), confesseur de Louis XIV, était du Rouergue [a]. Il naquit le 5 février 1590. Il devint jésuite au mois de février 1607, et profès du quatrième vœu, en l’année 1624. Il enseigna à Toulouse la philosophie pendant six ans, et la théologie pendant sept ; et comme il s’en acquitta avec éclat, il fut appelé à Rome pour y exercer la

  1. * On lit dans le Ménagiana de 1715, iv, 117, que Le vrai nom de ce personnage était Canard, qu’il latinisa en se faisant appeler Annat.
  1. Ruthenensis.