Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
ANTOINE.

dans son excellent Traité du style burlesque, lorsqu’il censure Photius d’avoir cru qu’Antonius Diogènes, auteur d’un roman, suivit d’assez près Alexandre : Οὐ λίαν πόῤῥω τῶν χρόνων τοῦ βασιλέως Ἀλεξάνδρου [1]. Non ità diù post Alexandri magni tempora floruisse. Il allègue contre cela plusieurs raisons, dont il trouve celle-ci la plus forte : c’est que la famille Antonia ne subsistait point encore, et que son nom n’était encore ni fait, ni connu : Neque, quo gravissimum est, tum nata gens Antonia, aut facta vox, aut audita temporibus illis [2]. Rien de plus faux. Nous avons produit, sur la foi de Tite-Live, un Titus Antonius, décemvir l’an 304 de Rome, et un Quintus Antonius, tribun militaire environ trente ans après. On trouve dans le même Tite-Live un Marcus Antonius, créé général de la cavalerie par le dictateur Cornélius Rufinus, l’an 421. Or, c’est une chose certaine qu’Alexandre mourut l’an 430. Je n’allègue pas la tradition rapportée par Plutarque ; car on pourrait me répondre, très-justement, qu’Anton, fils d’Hercule, était aussi peu la tige des Antoines en Italie, que Cocceius Nerva la tige de la maison de Cossé en France.

  1. Photius, Biblioth., num. CLXVII, pag. 364.
  2. Vavassor, de ludicrâ Dictione, pag. 148.

ANTOINE (Marc), l’orateur, a été le plus grand ornement de sa maison. À son entrée dans les charges, il fit éclater son mérite, par un endroit qui est digne d’être rapporté. Il avait obtenu la questure de la province d’Asie, et il était déjà arrivé à Brundusium, pour s’y embarquer, afin d’aller exercer sa charge, lorsque ses amis lui firent savoir qu’il avait été accusé d’inceste, et que le préteur Cassius, le juge du monde le plus rigide, jusque-là que l’on appelait son tribunal l’écueil des accusés, était saisi de cette cause. Marc Antoine eût pu se servir du bénéfice de la loi, qui défendait de recevoir les accusations contre ceux qui étaient absens pour le service de la république ; mais il aima mieux se justifier dans les formes, et pour cet effet il revint à Rome, et poursuivit son procès, et le gagna glorieusement [a]. La Sicile lui échut pendant sa préture, et il donna la chasse aux pirates qui infestaient ces mers-là. Il fut fait consul avec A. Posthumius Albinus, l’an de Rome 653, et réprima courageusement et heureusement toutes les machinations turbulentes de Sextus Titus, tribun du peuple. Quelque temps après il fut gouverneur de Cilicie, en qualité de proconsul, et y fit tant de belles choses, qu’il en remporta l’honneur du triomphe. N’oublions pas que, pour cultiver le merveilleux talent d’éloquence qu’il avait, il voulut bien en quelque manière devenir le disciple des plus grands hommes qui fussent à Athènes, et à Rhodes, lorsqu’il alla en Cilicie, et lorsqu’il revint à Rome. Il exerça ensuite la charge de censeur, avec beaucoup de gloire, ayant gagné sa cause devant le peuple contre Marc Duronius, qui lui avait intenté une accusation de brigue, pour se venger d’avoir été rayé du sénat par Marc Antoine ; ce que ce sage censeur avait fait, à cause que Duronius, pendant qu’il était tribun du peuple, avait cassé la loi qui réprimait les dépenses immodérées des festins [b]. C’était un des plus

  1. Valer. Maximus, lib. III, cap. VII, num. 9. Il rapporte, livre VI, chap. VIII, da constance d’un esclave de ce Marc Antoine à nier que son maître fût coupable.
  2. Glandorpius, Onomast. pag. 68, ex Epitome Livii, Cicerone, etc.