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ARBRISSEL. ARCÉSILAS.

un sens malin, parce que le véritable n’y était expliqué qu’à demi [1]. Mais qu’avait-on à faire d’un sens malin, puisqu’il était indubitable qu’Aramont négociait un traité entre la France et la Porte contre la maison d’Autriche ? Cela ne suffisait-il pas à prouver l’intelligence dont on voulait accuser Henri II ? Le meilleur parti que la France pouvait prendre n’était pas de contester sur le fait, mais de se retrancher sur le droit, en montrant que, lorsqu’il ne s’agit point de religion, mais seulement de s’opposer à l’invasion de ses états, il doit être permis de se faire des alliés partout où l’on en peut rencontrer. Si Charles-Quint n’en avait pas en toujours bonne provision parmi les princes chrétiens, papistes ou non papistes, il aurait bien su en trouver chez les infidèles, et il aurait bien su en profiter autrement que ne fit la France. Il était bien plus fin et bien plus habile que François Ier. Avec lui, les flottes turques n’eussent pas été inutiles, comme elles le furent avec les Français, qui concertaient si mal les choses, qu’on en a honte ou pitié, ou qu’on s’en moque, quand on lit l’histoire de ces temps-là. La bonne foi ne serait guère utile sur ce point. Elle empêcherait de reprocher à son ennemi ses alliances avec les hérétiques, ou avec les infidèles, quand on se sentirait tout prêt à faire de semblables alliances si les maximes d’état le demandaient. Où seraient donc les gens qui pourraient faire des harangues pathétiques, présenter de beaux mémoires, pousser cent beaux lieux communs ? Il faudrait rengaîner tout cela. Or on se ferait un grand préjudice : on ne jetterait point de la poudre aux yeux ; on n’animerait point les peuples ; il faudrait renoncer à mille louanges exquises, et à cent titres pompeux.

Accusat Manilia si rea non est [2].


Ordinairement on ne cesse de faire des reproches sur ce sujet, que lorsqu’on les mérite soi-même.

  1. Varillas, Histoire de Henri II, liv. II, pag. 202.
  2. Juvenal, Sat. VI, vs. 243.

ARBRISSEL (Robert d’), fondateur de l’ordre de Fontevraud, Cherchez Fontevraud.

ARCÉSILAS, l’un des plus célèbres philosophes de l’antiquité, naquit à Pitane, dans l’Éolide (A). Il fut disciple du mathématicien Autolycus son compatriote, et il le suivit à Sardes. Après cela il vint à Athènes, et y fut disciple de Xanthus, et puis de Théophraste, et enfin de Crantor (B). Il apprit aussi la géométrie sous Hipponicus [a]. Il eut quelque attachement à la poésie, et il se plut extrêmement à la lecture d’Homère (C) ; mais la passion d’être philosophe fut supérieure à toutes les autres. Il succéda à Cratès dans la régence de l’école platonique (D), et il s’y rendit innovateur ; car il fonda une secte, qu’on nomma la seconde académie, pour la distinguer de celle de Platon. Il était fort opposé aux dogmatiques, il n’affirmait rien, il doutait de tout, il discourait du pour et du contre, et suspendait son jugement. C’est parce, disait-il, qu’il n’y a rien de certain. Il attaquait d’une grande force tout ce que les autres sectes affirmaient (L) ; et c’est pourquoi on le regarda, en matières de philosophie, comme un perturbateur du repos public [b]. Quelques-uns soutiennent que, ne trouvant point d’évidence qui l’empêchât de flotter également entre l’affirmation et la négation, il ne voulut point écrire de livres [c] : mais d’autres assurent qu’il en écrivit, et puis ils contestent sur la question s’il

  1. Diogen. Laërtius, lib. IV, num. 32.
  2. Voyez la remarque (E), citation (49).
  3. Diogen. Laërtius, lib. IV, num. 32.