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ARCHÉLAÜS.

de leur nature, et qu’elles deviennent bonnes ou mauvaises, selon qu’il a plu aux hommes d’établir certaines lois [a]. Il composa un ouvrage de physique, à ce que dit Suidas, et il passa pour l’auteur de certaines élégies destinées à consoler Cimon fort affligé de la mort de son épouse [b]. Socrate, le plus illustre de ses disciples, fut son successeur [c]. Il faudra dire quelque chose d’un poëte qui se nommait Archélaüs (C). Diogène Laërce en parle ; mais il s’est contenté de nous conserver le titre d’un ouvrage de sa composition.

  1. Τὸ δίκαιον εἶναι καὶ τὸ ἀισχρὸν οὐ ϕύσει ἀλλὰ νόμῳ. Justum et turpe non naturâ constare, sed lege. Diogen. Laërtius, lib. II, num. 16.
  2. Plut., in Cimone, pag. 481.
  3. Cicero, Tusculan., lib. V. Diog. Laërtius, lib. II, num. 16. Clem. Alexandr. Strom., lib I, pag. 301. August., de Civit. Dei, lib. VIII, cap. II.

(A) On dit qu’il fut le premier qui transporta à Athènes la philosophie. ] Plusieurs critiques ont observé là-dessus l’opposition qui se rencontre entre Diogène Laërce et Clément Alexandrin. L’un attribue cette première translation à Archélaüs, l’autre à Anaxagoras. ῟Ουτος (Ἀρχέλαος) πρῶτος ἐκ τῆς Ἰωνίας τὴν ϕυσικὴν ϕιλοσοϕίαν μετήγαγεν Ἀθήναζε [1]. Primus hic (Archélaüs) ex Ioniâ physicam philosophiam Athenas invexit. Ce sont les paroles de Diogène Laërce ; et voici celles de Clément Alexandrin : Ουτος (Ἀναξαγόρας) μετήγαγεν ἀπὸ τῆς Ἰωνίας Ἀθήναζε τὴν διατριϐήν [2]. Hic (Anaxagoras ) ex Ioniâ scholam traduxit Athenas. Personne, que je sache, n’a cherché les voies de concilier ces deux sentimens, ou l’origine de cette diversité d’opinions. Il me semble néanmoins qu’il était aisé de s’apercevoir de ce que je m’en vais vous dire. Anaxagoras vint fort jeune philosopher à Athènes, et y demeura trente ans [3]. Il n’est pas impossible que son maître Anaximènes ait continué de philosopher dans l’Ionie pendant une partie de cet intervalle [4]. On pourrait même supposer que Diogène, son autre disciple, lui succéda. Or, si la chaire de Thalès ne fut point vacante dans l’Ionie, pendant qu’Anaxagoras philosophait à Athènes, il est faux qu’il ait transporté en cette ville l’école de Thalès. Un pareil transport suppose que la succession manqua par le voyage d’Anaxagoras. Il serait seulement vrai qu’avant que ce philosophe eût fait des leçons dans Athènes, aucun élève de la secte d’lonie n’avait enseigné parmi les Athéniens. Peut-être que Clément Alexandrin, et les auteurs qu’il a suivis, n’ont voulu dire autre chose, et qu’ils ne se sont pas mis en peine de s’exprimer plus exactement. Quoi qu’il en soit, n’en déplaise à Casaubon [5], il me semble que Diogène Laërce a parlé avec plus d’exactitude ; car il faut savoir qu’Anaxagoras en sortant d’Athènes se retira à Lampsaque, où il enseigna jusque sa mort. Sa chaire fut remplie dans Lampsaque même, par Archélaüs, son disciple [6], qui vint ensuite philosopher à Athènes [7]. Ce fut donc proprement Archélaüs qui transporta d’Ionie dans Athènes l’école de Thalès : ce fut là une vraie transplantation ; mais auparavant ce n’en était pas une véritable, puisque peut-être cette école ne fut jamais vide dans le temps qui s’écoula entre le voyage d’Anaxagoras à Athènes et sa retraite à Lampsaque, ou que si elle souffrit quelque interruption, cela fut bientôt réparé par le retour de ce philosophe en Ionie. Ce serait en vain qu’on n’objecterait qu’il ne nous reste aucun écrivain qui ait assuré que Diogène fut le successeur d’Anaximènes ; car je puis répondre : 1°. Que nous n’avons rien d’exact sur

  1. Diogen. Laërtius, lib. II, 89, num. 16.
  2. Clem. Alexandr. Stromat., lib. II, pag. 301.
  3. Diogen. Laërtius, lib. II, num. 7.
  4. Ce que Diogène Laërce rapporte, liv. II, num. 2, touchant le temps de la mort d’Anaximènes, est ridicule.
  5. Casaub. sur cet endroit de Diog. Laërce, le censure et se déclare pour Clément Alexandrin. M. Ménage fait la même chose.
  6. Euseb. Præparat., lib. X, cap. ult., pag. 504.
  7. Idem, ibid.