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ARISTARQUE.

drum qui sciunt leonem annuli cognoscunt [1]. Il paraît de là, 1o. Que le cachet appliqué en songe aux parties naturelles d’Olympias, faisait croire à son mari qu’elle n’aurait point d’enfans. Il y avait quelque vraisemblance dans cette pensée, et l’on pourrait presque soupçonner que Philippe était un de ces païens d’Europe qui avaient lu, dit-on, la Sainte Écriture : on pourrait, dis-je, le soupçonner, si les seules idées du sens commun ne conduisaient assez naturellement à la conjecture de ce prince ; mais il est sûr que la parole de Dieu représente sous cette idée la stérilité des femmes. Si la clôture de la matrice y représente la punition que Dieu exerçait par la voie de la stérilité [2], l’ouverture y représente la bénédiction par laquelle il faisait cesser ce mal [3]. 2o. En second lieu, il paraît que Tertullien ne fit nulle réflexion sur cette idée que l’Écriture fournit, et que l’on peut avoir naturellement. Il ne s’arrêta qu’au lion qui était gravé sur le cachet : il crut que Philippe fonda toute sa conjecture sur ce lion. Tertullien suppose faux en cet endroit, et conclut mal. Il est faux que le lion ne soit père qu’une fois [4] ; et d’ailleurs un homme qui croirait cela ne serait-il pas ridicule d’en augurer qu’il n’aurait jamais d’enfans ? il devrait pour le moins en conclure qu’il en aurait un. 3o. Il paraît, en troisième lieu, que Tertullien avait oublié le nom du devin qui rencontra le mieux de tous : il ne sait s’il doit le nommer Aristophon ou Aristodème. Il n’avait retenu que les deux premières syllabes du nom, et il ne put suppléer juste les autres : en un mot, le nom d’Aristandre ne lui revint pas en mémoire. 4o. En quatrième lieu, nous voyons qu’il était fort satisfait de l’explication du songe : c’est un de ceux qu’il allègue pour prouver l’excellence de notre âme. Finissons ceci, en disant que peut-être le roi Philippe disputa long-temps contre ses devins pour l’explication qu’il donnait au songe ; et qu’Aristandre lui dit peut-être ce qu’un musicien dit un jour à ce même prince en pareil cas : À Dieu ne plaise que votre majesté soit jamais assez malheureuse pour entendre ces choses mieux que moi : Μὴ γένοιτό σοι οὕτως, ὧ βασιλεῦ, κακῶς, ἵνα ἐμοῦ ταῦτα βέλτιον εἰδῇς [5]. Absit, ô Rex, ut eò tu infortunii devolvare, ut harum rerum scientiâ me fias prior.

(E) Il expliquait les présages des actions des hommes. ] Par exemple, il prédit que Lysimachus, garde du corps d’Alexandre, parviendrait à la royauté, mais que ce ne serait pas sans beaucoup de peines [6]. Sa raison était que Lysimachus, ne pouvant plus suivre à pied Alexandre monté sur un bon cheval, se prit à la queue de ce cheval, afin de ne quitter pas son maître. Il fut blessé par hasard au front : et comme Alexandre, dont la lance avait fait ce coup, eut la bonté de se servir de son diadème, faute de linge, pour bander cette blessure, il arriva que ce diadème fut teint de sang. Voilà sur quoi fut fondée la prédiction d’Aristandre.

(F) Il y a apparence qu’il est l’auteur d’un livre rempli d’événemens prodigieux, duquel Pline fait mention. ] Voici ses paroles : Prodigio autem fiunt ex dulcibus acerba poma, aut dulcia ex acerbis : è caprifico fici, aut contrà : gravi ostento cùm in deteriora mutantur ex oleâ in oleastrum, ex candidâ uvâ et fico in nigras : ut Laodiceæ, Xerxis adventu platano in oleam mutatâ : qualibus ostentis Aristandri apud Græcos volumen scatet, ne in infinitum habeamus : apud nos verò C. Epidii Commentarii, in quibus arbores locutæ quoque reperiuntur [7]. Conférez avec ceci le passage de Cicéron touchant les habitans de Telmesse, rapporté dans l’article de cette ville [8], et admirez la facilité incroyable des anciens païens à multiplier les prodiges.

  1. Tertullian., de Animâ, cap. XLVI.
  2. Genèse, XX, 18.
  3. Là même, chap. XXX, vs. 22. Voyez aussi chap. XXIX, vs. 31.
  4. Voyez les Notes de Rigaut sur cet endroit de Tertullien.
  5. Plutarchus, de Discrim. Adulat. et Aunici, pag. 67.
  6. Appianus, in Syriacis.
  7. Plin., lib. XVII, cap. XXV.
  8. Remarque (C).

ARISTARQUE, philosophe grec, natif de Samos, est un des premiers qui ont soutenu que la