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ARISTARQUE.

peu trop magistralement ; car, dès qu’un vers ne lui plaisait pas, il le traitait de supposé (B). Cette édition d’Homère fut fort estimée, et fort critiquée aussi [a]. Il travailla sur Pindare [b], sur Aratus [c], et sur d’autres poëtes ; et il n’est pas vrai que, pour critiquer tout le monde, sans craindre qu’on lui rendît la pareille, il ait eu la ruse de ne rien donner au public (C). Ceux qui disent qu’il était contemporain de Pisistrate, s’abusent grossièrement (D). Sa réputation a été de longue durée. Cicéron et Horace se servirent de son nom pour désigner un critique très-rigide (E). On l’emploie encore aujourd’hui au même usage. Quelques-uns lui attribuent une pensée que d’autres donnent, ou à Théocrite, ou à Isocrate (F). Il eut beaucoup de contestations dans Pergame avec le grammairien Cratès (G) ; et il mourut dans l’île de Cypre, à l’âge de soixante-douze ans. Il était devenu hydropique, et il ne trouva point de meilleur remède contre ce mal, que de se faire mourir de faim. Il sortit de son école jusqu’à quarante grammairiens (H). Il laissa deux fils, qui n’eurent pour tout mérite qu’une grande simplicité. Celui qui porta le nom de son père fut vendu ; mais les Athéniens le rachetèrent [d]. J’aurai quelque chose à dire contre Moréri (I).

  1. Voyez la remarque (B).
  2. Voyez l’Anti-Baillet, tome I, pag. 80, 81.
  3. Voyez Vossius, de Scient. Mathemat., pag, 156.
  4. Tiré de Suidas, in Ἀρίςαρχος.

(A) Il fut fort considéré de Ptolomée Philometor, qui lui confia l’éducation de son fils. ] Les paroles de Suidas signifient cela clairement : Γέγονε, dit-il [1], κατὰ τὴν ρνς ὀλυμπιάδα, ἐπὶ Πτολεμαίου τοῦ Φιλομήτορος, οὗ καὶ τὸν ὑιὸν ἐπαίδευσεν. Vixit autem olympiade CLVI, tempore Ptolemæi Philometoris, cujus etiam filium erudiit. L’olympiade qu’il marque répond très-bien au règne de ce Ptolomée ; mais nous ne trouvons point, dira-t-on, que ce prince ait eu des fils : les historiens ne lui donnent qu’une fille, et ce fut son frère qui lui succéda. Cette objection ne vaut rien ; car, d’un côté, si le fils qu’il eût fait instruire par notre Aristarque était mort dans son bas âge, les historiens qui nous restent auraient pu croire qu’il n’en fallait pas faire mention. D’autre côté, il est faux qu’ils gardent tous le silence. Justin donne un fils à Ptolomée Philometor, et il dit même que Ptolomée, son oncle, le fit mourir [2]. Le docte Allatius n’a pas pris garde à ceci : il veut que le disciple que Suidas donne à Aristarque soit le second Ptolomée Évergètes : Cujus (Ptolomæi Philometoris) filium secundum Evergetem erudiit olympiade CLVI, ut Suidas tradit [3]. C’est une faute : le second Ptolomée Évergètes était frère de Ptolomée Philometor, et non pas son fils. Vossius ne s’est pas moins abusé lorsqu’il a cru que Ptolomée Philometor choisit Aristarque pour précepteur de Ptolomée Lathyrus, son fils [4] : il fallait savoir que Ptolomée Lathyrus, on Lathurus, était fils du second Ptolomée Évergètes. Ce que Suidas observe, qu’Aristarque fut disciple d’Aristophane le Byzantin, ne fournit pas une objection ; car on sait assez qu’il s’est glissé une lourde faute dans l’endroit de Suidas où nous lisons qu’Aristophane de Byzance a fleuri l’olympiade 145. Il faut lire l’olympiade 145, comme Allatius et Jonsius l’ont observé [5] : Aristo-

  1. Suidas, in Ἀρίςαρχος.
  2. Justinus, lib. XXXVIII, cap. VIII.
  3. Leo Allatius, de Patriâ Hom., pag. 103, 104.
  4. Vossius, de Poëtis græcis, pag. 67. Notes qu’au chapitre XXI du Ier. liv. de Historicis græcis, il dit que Ptolomée Evergètes II était fils de Philometor.
  5. Jonsius, de Script. Hist. Philosoph., pag. 166, 167.