Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
ANAXAGORAS.

aurait donc fallu qu’avant que d’avoir plus de cinquante ans, il eût reçu de Périclès la visite dont Plutarque fait mention. Je finis par un passage d’Ovide, où l’on voit que les premiers astronomes ont dû être des personnes épurées de la sensualité, et du soin de parvenir aux honneurs, et d’acquérir des richesses. Anaxagoras en est un exemple bien parlant :

Felices animos, quibus hæc cognoscere primis,
Inque domos superas scandere cura fuit !
Credibile est illos pariter vitiisque locisque
Altiùs humanis exseruisse caput.
Non Venus et vinum sublimia pectora fregit ;
Officiumque fori, militiæve labor.
Nec levis ambitio, perfusaque gloria fuco,
Magnarumve fames sollicitavit opum.
Admovêre oculis distantia sidera nostris ;
Ætheraque ingenio supposuêre suo.
Sic petitur cœlum : non ut ferat Ossan Olympus,
Summaque Peliacus sidera tangat apex.
Nos quoque sub ducibus cœlum metabimur illis,
Ponemusque suos ad stata signa dies [1].

(B) Il enseignait que le soleil était une masse de matière tout-à-fait en feu. ] Je me suis servi de cette expression générale, parce que les interprètes ne s’accordent pas sur le véritable sens de ces paroles de Diogène Laërce : Τὸν ἥλιον μύδρον εἶναι διάπυρον [2]. Les uns veulent qu’elles signifient une masse de fer brûlant ; d’autres aiment mieux une pierre tout enflammée ; d’autres un globe de feu, qui n’était ni fer ni pierre. Videtur mihi Anaxagoras, c’est ainsi que parle Casaubon, per μύδρον διάπυρον non tam lapidem aut ferrum, quàm globum quendam igneum, λιθώδη et βαρὺν, ut ait Plutarchus, intelligere voluisse [3]. La plupart de ceux qui ont rapporté ce dogme d’Anaxagoras se sont fixés à la seconde explication, et elle s’accorde parfaitement avec l’hypothèse de ce philosophe, comme on le verra ci-dessous [4]. Citons d’abord Xénophon : Φάσκων δὲ τὸν ἥλιον λίθον φάσκων δὲ τὸν ἥλιον λίθον διάπυρον εἶναι, καὶ τοῦτο ἠγνόει ὅτι λίθος μὲν ἐν πυρὶ ὢν, οὔτε λάμπει, οὔτε πολὺν χρόνον ἀντέχει· ὁ δὲ ἥλιος τὸν πάντα χρόνον πάντων λαμπρότετος ὢν διαμένει [5]. C’est-à-dire, selon la version de M. Charpentier, Disant aussi que le soleil n’estoit qu’une pierre enflammée, il ne considéroit pas qu’une pierre ne brille point dans le feu, et n’y peut pas durer long-temps, sans se consumer ; au lieu que le soleil dure tousjours, et est une source inépuisable de lumière. Platon sera mon second témoin. Il introduit Socrate, qui, se voyant accusé de dire que le soleil était une pierre, et que la lune était une terre [6], répond : On me prend pour Anaxagoras, dont les livres sont remplis de tels discours, et l’on s’imagine que je suis assez simple pour enseigner ces absurditez à des jeunes gens, qui se moqueroient de moi, si je m’attribuois une doctrine contenue dans les ouvrages d’un autre, et qui se vendent à bon marché. Comme je ne fais que donner là une notion générale des paroles de Platon, il est juste de les montrer elles-mêmes à ceux qui ne se contentent pas du précis d’un témoignage : Ἀναξαγόρου οἴει κατηγορεῖν, ὦ ϕίλε Μέλιτε, καὶ οὕτω καταϕρονεῖς τῶνδε, καὶ οἴει αὐτοὺς ἀπείρους γραμμάτων εἶναι, ὥςε οὐκ εἰδέναι ὅτι τ᾽ Ἀναξαγόρου βιϐλία τοῦ Κλαζομενίου γέμει τούτων τῶν λόγων· καὶ δὴ καὶ οἱ νέοι ταῦτα παρ᾽ ἐμοῦ μανθάνουσιν, ἃ ἔξεςιν ἐνίοτε, εἰ πάνυ πολλοῦ, δραχμῆς ἐκ τῆς ὀρχήςρας πριαμένοις, Σωκράτους καταγελᾷν, ἐὰν προσποιῆται ἑαυτοῦ εἶναι, ἄλλως τε καὶ οὕτως ἄτοπα ὄντα [7] Anaxagoram tu quidem, ô amice Melite, accusare tibi videris, atque ità hos parvi facis, existimans eos litterarum ignaros esse, quasi nesciant libros Anaxagoræ Clazomenii ejusmodi opinionibus esse plenos. Juvenes verò hæc à me discant, quibus liceret interdùm etiam si multa sint, unius drachmæ pretio ementibus ex orchestrâ Socratem deridere, si sua esse fingeret, præsertìm quùm tam absurda sint. Vous trouverez dans Plutarque qu’Anaxagoras fut condamné comme un impie, pour avoir dit que le soleil était une pierre [8]. Saint Cyrille d’Alexandrie [9], et saint Augustin [10], sont aussi de ceux qui ont dit que,

  1. Ovid. Fastor. lib. I, vs. 297 et seqq.
  2. Diog. Laërtius, lib. II, num. 8.
  3. Is. Casaubon. in hunc locum Diogen. Laërt.
  4. Dans la remarque (I).
  5. Xenophont. Memorabil., lib. IV.
  6. Τὸν μὲν ἥλιον, λίθον ϕησὶν εἶναι, τὴν δὲ σελήνην, γῆν. Solem quidem lapidem esse dicit, Lunam verò terram. Plato, in Apologiâ Socratis, pag. 21, A.
  7. Idem, ibid.
  8. Plutarch. de Superstit. pag. 169, E.
  9. Cyrillus, lib. VI, contra Julian.
  10. August. de Civitat. Dei, lib. XVIII, cap. XLI.