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ARISTOTE.

quas illa theologicis lacertis ac viribus, de cælo suppeditatis, torqueat ac vibret[1]. Je me crois obligé de dire, pour agir selon les règles de la bonne foi, que le cardinal Pallavicin n’avance point de lui-même la maxime qu’on a rapportée[* 1], ni comme une observation qu’il voulait apprendre au monde : il ne la rapporte que comme une raillerie maligne du père Paul. Il est vrai qu’il traite cette raillerie d’impertinente, et qu’il prétend que les conciles où l’on distingua si subtilement la substance, la personne, l’hypostase, n’y étaient pas moins sujets : il est vrai, en un mot, qu’il ne nie pas le fait, et qu’il se contente de se moquer de ceux qui s’en moquent[2]. Le père Paul, après avoir rapporté le décret de la VIe. session, allègue ce que l’on y critiqua ; et il dit, entre autres choses, que ceux qui étaient versés dans l’histoire ecclésiastique remarquèrent que tous les autres conciles pris ensemble avaient décidé moins d’articles que cette seule session, à quoi Aristote avait eu beaucoup de part : In che haveva una gran parte Aristotele, coll’ haver distinto essattamente tutti i generi di cause, a che, se egli non se fosse adoperato, noi mancavamo di molti articoli di fede[3]. Les remontrances de la Sorbonne, sur lesquelles le parlement de Paris donna un arrêt contre des chimistes, l’an 1629, portaient : qu’on ne pouvait choquer les principes de la philosophie d’Aristote, sans choquer ceux de la théologie scolastique, reçue dans l’Église[4]. L’an 1624, le parlement de Paris bannit de son ressort trois hommes qui avaient voulu soutenir publiquement des thèses contre la doctrine d’Aristote ; défendit, à toutes personnes de publier, vendre ou débiter les propositions contenues dans ces thèses, à peine de punition corporelle, et d’enseigner aucune maxime contre les anciens auteurs et approuvés, à peine de la vie[5].

(K) Encore aujourd’hui, les mahométans.... ont des écoles pour sa secte. ] « La philosophie péripatétique s’est tellement établie partout, qu’on n’en lit plus d’autre par toutes les universités chrétiennes. Celles mêmes qui sont contraintes de recevoir les impostures de Mahomet n’enseignent les sciences que conformément aux principes du Lycée, auxquels ils s’attachent si fort, qu’Averroës, Alfarabius, Almubassar [6], et assez d’autres philosophes arabes, se sont souvent éloignés des sentimens de leur prophète, pour ne pas contredire ceux d’Aristote, que les Turcs ont eu leur idiome turquesque et en arabe, comme Belon[* 2] le rapporte [7]. » L’auteur dont j’emprunte ces paroles dit, dans un autre volume[8], que selon la relation d’Oléarius, les Perses ont toutes les œuvres d’Aristote expliquées par beaucoup de commentaires arabes, qui nomment communément sa philosophie le gobelet du monde. Bergeron, dit-il, remarque dans son Traité des Tartares, qu’ils possèdent les livres d’Aristote traduits en leur langue, enseignant, avec autant de soumission qu’on peut faire ici, sa doctrine à Samarcand, université du Grand Mogol, et à présent ville capitale du royaume d’Usbec.

(L) Lorsqu’on citait un passage de ce philosophe, on n’osait dire, transeat : il fallait ou le nier ; ou l’expliquer à sa manière. ] Si quelqu’un osait contester ce fait, je le renverrais à plusieurs cours de philosophie imprimés dans le XVIe. siècle, où l’on voit régner la méthode que voici. L’auteur prouve sa thèse, premièrement par autorités, et puis par raisons. Les preuves par autorités sont des passages d’Aristote. La réponse aux objections comprend aussi deux

  1. * Cet aveu de Bayle fait tomber la remarque de Joly qui reproche à Bayle de faire dire à Pallavicin ce qu’il n’a pas dit.
  2. (*) Lib. III, cap. XIV.
  1. Nic. Erythræi Pinacoth. I, pag. 204.
  2. Ma quale stoltizia è quello scherno, che di ciò si doveva in gran parte l’obligazione ad Aristotele, etc. Voyez le père Rapin, Réflex. sur la Philosoph. pag. 449.
  3. Fra Paolo, Hist. del Concil. Tridentino. lib. II, all’ ann. 1547, pag. 234, edit. dell’ ann. 1629. On trouve cela dans la page 211 de la version d’Amelot, édit. de 1686.
  4. Rapin, Comparaison de Platon et d’Aristote, pag. 413,
  5. Mercure français, tom. X, pag. 504.
  6. Il fallait dire Albumassar ou Albumasar.
  7. La Mothe-le-Vayer, de la Vertu des Païens. tom. V, pag. 101.
  8. Le XIIe., pag. 245.