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ARTAVASDE Ier.

rode, pendant les excès de joie qu’une si grande victoire y causa. Il vit mille divertissemens remplis d’insultes pour les Romains ; il assista aux festins et aux comédies, et il entendit appliquer des vers d’Euripide au désastre de Crassus, dont la tête fut apportée pendant qu’on représentait les Bacchantes de ce poëte. Cela fournit à Plutarque l’occasion de dire qu’Orode entendait le grec, et qu’Artavasde a composé des tragédies, des harangues et des histoires (A), qui subsistaient encore en partie. Je ne pense pas qu’il faille distinguer cet Artavasde de celui qui trompa Marc Antoine (B). Il lui persuada de tourner ses armes contre le roi des Mèdes [a] ; et l’embarqua par ce moyen dans une entreprise qui eut un très-mauvais succès, et où il ne le seconda nullement [b]. Marc Antoine, renvoyant la vengeance à une occasion plus commode, dissimula pour le coup ; mais deux ans après, savoir l’an 720 de Rome, il se servit de tant d’artifices, et de tant de belles promesses, qu’il l’attira enfin à s’aboucher avec lui ; et alors, il le retint prisonnier, le chargea de chaînes d’argent (C), et l’emmena en triomphe à Alexandrie. La femme et les enfans d’Artavasde furent aussi un des ornemens du triomphe de Marc Antoine. Ils furent tous amenés à Cléopâtre, au milieu du peuple, chargés de chaînes d’or ; mais on ne put obtenir d’eux, ni par promesses, ni par menaces, qu’ils se missent à genoux devant elle, ou qu’ils lui fissent des supplications : ils ne la nommèrent que par son nom, ce qui fut cause qu’on les traita plus durement. Quelque temps après on fit mourir Artavasde, et l’on envoya sa tête au roi des Mèdes. Ce fut Cléopâtre qui lui envoya ce présent, lorsqu’elle fut de retour à Alexandrie après la perte de la bataille d’Actium [c]. Elle crut que cette tête porterait le roi des Mèdes à s’allier plus étroitement avec Marc Antoine contre Auguste. On verra dans l’article suivant ce que devinrent les fils d’Artavasde. Il avait une fille mariée au fils du roi Déjotarus [d].

  1. Il s’appelait Artavasde.
  2. Dio, lib. XLIX. Strabo, lib. XI, pag. 361 et 366. Plutarch. in Antonio, pag. 933.
  3. Dio, lib. LI. Voyez la remarque (B), citation (11).
  4. Cicero, ad Attic. Epist. XXI, lib. V.

(A) Artavasde a composé des tragédies, des harangues, et des histoires. ] Voici un poëte et un historien grec qui, en tant que poëte, a été oublié par Vossius, mais non pas en tant qu’historien [1], quoique Mallincrot le mette dans son recueil des historiens qui avaient échappé aux recherches précédentes. Mallincrot observe qu’Appien a cité l’histoire de notre Ârtavasde ; mais qu’il a donné à l’auteur un nom un peu différent. Il ajoute que ce prince est le premier de son nom, qui ait régné en Arménie [2]. Cela pourrait être vrai, quand même la conjecture de plusieurs critiques sur un passage de Justin serait bonne. Ils prétendent qu’il faut lire Artavasdes, et non pas Ortoadistes, au IIe. chapitre du livre XLII. Il y aurait donc eu un roi d’Arménie nommé Artavasdes, au temps de Mithridate-le-Grand, roi des Parthes. Ce Mithridate fut

  1. Vossius, de Histor. Græcis, pag. 154.
  2. Mallincrot, Paralipomenon de Histor. Græc., pag. 11 et 87 : il le nomme avec Vossius Artuasdes. M. Ryck, sur Tacite, pag. 28, prétend que Plutarque le nomme Artabaze ; mais il est certain qu’il le nomme plus souvent Ἀρταουάσδης.