Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
502
ATTALUS. ATTICUS.

dame (ou d’Hippodamie), femme de Pirithoüs ; mais quand il ajoute qu’elle s’appelait Atracis à cause qu’elle était fille d’Atrax, qui fut le premier auteur de la magie parmi les Thessaliens [1], il dit une chose dont il aurait dû apporter des preuves, car on ne trouve point qu’Atrax ait établi la magie. Il est bien vrai qu’on l’a nommée Ars atracia [2] ; mais ce n’est qu’au sens d’Ars thessalica, qui signifie en général la magie, à cause que la Thessalie était fameuse de ce côté-là [3]. C’est dans le même sens qu’il faut prendre ces vers de Valérius Flaccus :

Quamvis atracio lunam spumare veneno
Sciret, et Hæroniis agitari cantibus umbras [4].


Le scoliaste de Stace est le seul, si je ne me trompe, qui ait dit qu’Atrax était père d’Hippodamie. C’est ainsi que je voudrais corriger le mot Hippocatiæ, et non pas comme Barthius, par Hippocrateæ [5]. Le scoliaste d’Homère, sur le XXIe. livre de l’Odyssée ; Eustathius, sur le même endroit ; et Hygin, au chapitre XXXIII, disent que la ferme de Pirithoüs s’appelait Hippodamie, et qu’elle était fille d’Adraste. Je ne sais si l’on n’aurait point changé le génitif Ἄθρακος en Ἀδράςου. Si cela était arrivé, Atrax, le vrai nom du père d’Hippodamie serait disparu pour faire place à Adraste. Les copistes ont introduit des changemens aussi malaisés à faire que celui-là. J’en vais donner un exemple, tiré de notre sujet. Tous les manuscrits de Lycophron portent aujourd’hui ἄρπαγας λύκους [6], rapaces lupos ; cela signifie les Argonautes ; mais l’exemplaire, dont Étienne Byzantin s’est servi, ἄτρακας λύκους [7], Atracenses lupos, c’est-à-dire, loups de Thessalie. C’est ainsi qu’Eustathius a cité cet endroit de Lycophron [8].

Ce que Barthius prétend, qu’Atraciæ Oræ, dans Properce [9], signifie un lieu éloigné, et que Catulle s’est servi du mot Atracis dans un même sens [10], n’est pas fort fin. Quelques critiques mettent dans Catulle Atacis, rivière des Gaules, et non pas Atracis, rivière de Grèce ; mais quoi qu’il en soit, nous devons entendre littéralement ce que Catulle et Properce disent [11]. Quant à ce que Barthius suppose, qu’ils ont fait quelque allusion aux arts magiques, c’est une imagination ridicule.

  1. Voyez les notes de Philip. Béroalde sur cet endroit d’Apulée.
  2. Statii Thebaïd., lib. I, vs. 106.
  3. Plinii Hist. natur., lib. XXX, cap. I.
  4. Valerii Flacci Argon., lib. VI, vs. 447.
  5. Voyez le Commentaire de Barthius sur Stace, tom. II, pag. 30, 31.
  6. Lycophronis Alexandra, vs. 1309.
  7. Steph. Byzant., au mot Ἄτραξ.
  8. Voyez Canter, sur ces paroles de Lycophron.
  9. Propertii Eleg. VIII, lib. I.
  10. Catulli Epigramm. XCVI.
  11. Voyez Scaliger sur cet endroit de Properce.

ATTALUS, nom de quelques rois de Pergame. Cherchez Pergame.

ATTICUS (Titus Pomponius) passe pour un des plus honnêtes hommes de l’ancienne Rome. Il savait se ménager si adroitement que, sans sortir de l’état de neutralité, il se conservait l’estime et l’affection des deux partis (A). L’amitié intime qu’il eut pour Cicéron ne l’empêcha point d’avoir des liaisons très-étroites avec Hortensius, et il fut cause que ces deux rivaux en éloquence, non-seulement ne s’entreblâmèrent point, mais vécurent aussi dans une bonne intelligence (B). Il ne fut jamais brouillé, ni avec sa mère, ni avec sa sœur (C). Il en usa toujours généreusement avec ses amis, et leur ouvrit sa bourse dans leurs besoins. Il pouvait le faire ; car, outre les grands biens qui lui échurent par succession (D), il trouva des voies de faire valoir son argent qui lui apportèrent beaucoup de profit. Les troubles, qui s’élevèrent à Rome entre le parti de Cinna et celui de Sylla, le déterminèrent dans sa jeunesse à s’en aller à