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AVERROÈS.

tote[1]. Voyez Cœlius Rhodiginus, qui dit à peu près la même chose, généralement parlant[2]. Ne vous fiez pas au père Rapin, qui lui fait dire cela touchant Avicenne[3]. Ce jésuite ne citait pas toujours sur l’original. Ne méprisez pas pourtant ce qu’il va vous dire. « Comme Averroës ne connut Aristote que par une traduction peu fidèle, il tomba lui-même dans des altérations de sens si horribles, que Bagolin, philosophe de Vérone, Zimara et Mantinus entreprirent en vain de le corriger[4]. »

(C) Il fut professeur dans l’académie de Maroc. ] Ce fut sous le troisième roi de la race des Almohades, après l’expulsion des Almoravides. Lisez ce passage de Reinesius : Quem Averroëm appellant vulgò scholæ, ejus nomen integrum est Abual-Walid Mohammed, ebn Achmed, ebn Mohammed, ebn Roshd : docuitque in Academiâ Maroccanâ auspiciis Jacobi, tertii ex Almohadis, post ejectos Almoravidas reges[5].

(D) Il se rendit fort habile dans la médecine, mais il en savait mieux la théorie que la pratique. ] Son principal ouvrage de médecine est celui qu’on nomme Colliget. Il y traite de cette science en général : on ne sera pas fâché de trouver ici un morceau de la préface : Ex præcepto nobilis domini Audelach Sempse, qui pro consilio suorum philosophorum Avosait et Avenchalit injunxit mihi ut conscriberem opus, quod arabico sermone totam medicinæ scientiam contineret, ad approbandum judicandumve sententias veterum, collegi hoc opus Colliget, id est, universale, sic inscriptum propter ordinem doctrinæ observandum, qui paulatim ab universalibus ad particularia procedet. In hoc enim libro universales regulas inchoavi, et deinceps favente Deo alium librum de iis quæ particularia sunt instituam, etc.[6]. Pour faire comprendre qu’il se piquait d’exceller en médecine, il me suffira d’avertir qu’il était l’émule du grand Avicenne, et son ennemi si capital, qu’il évite de le nommer dans ses écrits [* 1] : Avicennæ medici æmulus et inimicissimus fuit, ut eum nominare in suis libris vereatur[7] : son affectation à cet égard est sensible. C’est apparemment cette affectation qui a été cause qu’en réfutant une doctrine soutenue par Avicenne, il ne l’attaque que comme le sentiment de Galien. Je parle de la doctrine qui établit que les esprits animaux qui causent la joie sont lumineux, et que ceux qui causent la mélancolie sont noirs. M. Petit n’a pas pris garde à l’affectation d’Averroës. Nunc quibus mentis penetrationibus Averroïs hanc Avicennæ opinionem impugnet, videamus : quanquam eo loco directè Avisennam non petit, sed Galenum, spontaneum melancholicorum metum ab humoris qui in iis abundat nigredine repetentem ; verùm quæ ibi Galeno objicit, pari impetu in memoratam Avicennæ opinionem redeunt[8], Averroës, ou expressément, ou par un défaut de mémoire, a tenu une conduite toute différente de celle-là à l’égard d’Avempace ; car il le nomme comme l’auteur d’une remarque qu’il avait pu lire dans Philoponus[9]. Cela soit dit en passant. Or, qu’il ait été plus habile dans la théorie que dans la pratique, il avoue lui-même, comme le remarque M. Petit. Averroës fatetur de se ultrò in septimo eorum Librorum quos Colliget vulgus appellat, cap. 6. Ego, inguit, non studui ei scientiæ (medicinæ) ut videar mihi in eâ esse sufficiens : et alibi negat se in eorum numero esse qui ægris remedia adhibent[10]. Ce passage de M. Petit est tout autrement exact que ces paroles de Vossius, Averroës Cordu-

  1. * Chaufepié rapporte un passage de Freind, auteur de l’Histoire de la Médecine depuis Galien, qui contredit formellement ce qu’avançait Champier, cité dans la note (12) sur le double fait de l’inimitié et de l’affectation de ne pas nommer Avicenne.
  1. C’est-à-dire, par une citation d’un passage de la Métaphysique d’Aristote.
  2. Cœlius Rhodiginus, Antiq. Lect., lib. III, cap. II, pag. 110.
  3. Rapin, Réflexions sur la Philosophie, num. 15, pag. 339, 340, édition de Hollande.
  4. Là même.
  5. Reinesius, Epist. XV ad Hofmann., pag. 32.
  6. Præfat. Averroïs, apud Gesnerum, in biblioth., folio 101.
  7. Symphorianus Camper., apud Gesnerum, ibidem folio 100. Voyez Cœlius Rhodiginus au chap. XII du XXXe. livre, pag. 1684, et Scaliger contre Cardan., Exerc., LXI, num. 5.
  8. Petrus Petitus, Dissertat. de Homeri Nepenthe, pag. 89.
  9. Voyez le même Petri Petiti Miscellan. Observat., lib. III, cap. XVIII.
  10. Idem, ibidem, lib. II, cap. VII, pag. 99, 100.