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AURÉLIEN.

Consulatum cum eodem Ulpio Crinito in annum sequentem à die undecimo calend. juniarum, in locum Gallieni et Valeriani, sperare te convenit sumptu publico. Levanda est enim paupertas eorum hominum qui diù reipublicæ viventes pauperes sunt, et nullorum magis [1]. L’historien, qui me fournit ces paroles, produit la lettre que l’empereur écrivit au préfet de Rome, pour lui marquer ce qu’il souhaitait que l’on donnât au nouveau consul. Aureliano cui consulatum detulimus ob paupertatem, quâ ille magnus est cæteris major, dabis ad editionem Circensium aureos antonianos trecentos, etc. [2]. Quelques-uns ont dit que la pauvreté d’Aurélien obligea Valérien à donner ordre qu’Ulpius Crinitus l’adoptât : Mermini me in quodam libro græco legisse..... Mandatum esse Crinito à Valeriano ut Aurelianus adopteretur, idcircò præcipuè quòd pauper esset [3]. Notez qu’étant empereur il ne sortit point des règles de la médiocrité, en faisant du bien à ses amis. Il en usa peut-être de la sorte par l’habitude qu’il s’était faite de renoncer à l’opulence, et par l’opinion qu’il eut que des richesses médiocres suffisaient à un grand homme. Peut-être aussi qu’il ne voulut point irriter le peuple par des profusions excessives ; car les sujets ne se plaisent pas à voir leur prince répandre sans poids ni mesure les trésors et les faveurs sur la tête de ses amis. Vopiscus nous dit que cet empereur voulut tenir un milieu qui ôtât les incommodités de la pauvreté, sans exposer à l’envie. Amicos suos honestè divitavit et modicè, ut miserias paupertatis effugerent, et divitiarum invidiam patrimonii moderatione vitarent [4]. On ajoute qu’il ne permit à personne de porter des habits de soie, qu’il paya d’exemple, et qu’il soumit sa propre femme à cette loi ; car lorsqu’elle lui en demanda pour le moins un, il lui fit réponse : A Dieu ne plaise que le fil coûte autant que l’or : c’est qu’en ce temps-là une livre de soie valait une livre d’or. Vestem holosericam neque ipse in vestiario suo habuit, neque alteri utendam dedit. Et quùm ab eo uxor sua peteret, ut unico pallio blatteo serico uteretur, ille respondit, Absit ut auro fila pensentur ; libra enim auri tunc libra serici fuit [5]. Voyez M. de Tillemont, qui a trouvé peu d’accord entre ce fait-là, et certaines choses rapportées par le même historien ou par d’autres, touchant le luxe de cet empereur [6]. Mais n’oublions pas qu’il n’habilla point ses domestiques avec plus de magnificence depuis son élévation sur le trône qu’auparavant [7] ; et qu’il accorda aux sénateurs d’avoir les mêmes livrées que lui [8].

(D) Les soldats lu donnèrent le surnom d’Épée-à-la-main, pour le distinguer d’un autre capitaine qui s’appelait comme lui. ] Que voilà une distinction capable de flatter l’orgueil d’un brave guerrier ! Rapportons les paroles de Vopiscus : Gladii exerendi cupidus. Nam quùm essent in exercitu duo Aureliani tribuni, hic, et alius qui cum Valeriano captus est, huic signum exercitus apposuerat manus a ferrum, ut si fortè quæreretur quis Aurelianus aliquid vel fecisset vel gessisset, suggereretur, Aurelianus manu ad ferrum, atque cognosceretur [9].

(E) On lui donna des éloges qui servirent de préface aux déclarations de l’empereur. ] Je m’en vais les rapporter, car ils contiennent les services importans qu’Aurélien avait rendus à l’empire : Valerianus Augustus Ceionio Albino, præfecto urbis. Vellemus quidem singulis quibusque devotissinus reipub. viris multo majora deferre compendia quàm eorum dignitas postulat, maximè ubi honorem vita commendat. Debet enim quid præter dignitatem pretium esse meritorum. Sed facit rigor publicus, ut accipere de provinciarum oblationibus ultra ordinis sui gradum nemo plus possit. Aurelianum fortissimum virum ad inspicienda et ordinanda castra omnia destinavimus : cui tantùm à nobis atque ab omni republicâ,

  1. Vopiscus, in Aureliano, ibidem, cap. XI, pag. 445.
  2. Idem, cap. XII.
  3. Idem, cap. XV.
  4. Idem, cap. XIV, pag. 539.
  5. Idem, ibidem, pag. 540.
  6. Tillemont, Histoire des Empereurs, tom. III, pag. 1074, 1075.
  7. Vopiscus, in Aurel., cap. L.
  8. Idem, ibid., cap. XLIX.
  9. Idem, ibid., cap. VI, pag. 426.