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AURÉLIEN.

ministis, P. C., me in hoc ordine sæpè dixisse jam tùm quùm primum nuntiatum est Marcomannos erupisse, consulenda Sibyllæ decreta, utendum Apollinis beneficiis, inserviendum deorum immortalium præceptis : recusâsse verò quosdam, et cum ingenti calumniâ recusâsse, quùm adulando dicerent tantam principis esse virtutem ut opus non sit deos consuli, proindè quasi et ipse vir magnus non deos colat, non de diis immortalibus speret, Quid plura ? audivimus litteras quibus rogavit opem deorum, quæ nunquàm cuiquam turpis est ut vir fortissimus adjuvetur [1]. Après la lettre d’Aurélien, il n’y eut plus de délai : le sénat fit consulter les livres de la Sibylle, ce qui amena un grand attirail de dévotion [2]. Notez en passant combien la maxime d’Ajax a paru bonne à certains esprits [3]. Nous avons ici des flatteurs qui s’imaginent qu’il ne faut recourir à l’assistance du ciel, que lorsque l’on se défie de la valeur et de la prudence des princes du monde. Rapportons encore deux preuves qu’Aurélien n’était pas de cet avis : Credo adjuturos rom. remp. deos qui nunquàm nostris conatibus defuerunt [4]. C’est ce qu’il écrivait dans les embarras où il se vit par la longue résistance de Zénobie. Il reconnut dans une autre lettre, que ses victoires étaient un présent des dieux. Undè apparet nullam mihi à diis immortalibus datam sine difficultate victoriam [5]. Il est vrai qu’il ajouta qu’ils les lui avaient toujours accordées avec mille difficultés. C’est le destin de toutes choses : ce n’est pas seulement la vertu qu’il faut acquérir à la sueur de son visage, c’est le propre de tous les autres biens, Sic Diis placitum.

Τῆς δ᾽ ἀρετῆς ἰδρῶτα Θεοὶ προπάροιθεν ἔθηκαν
Ἀθάνατοι, μακρὸς δὲ καὶ ὄρθιος οἶμος,
Καὶ τρηχὺς τὸ πρῶτον [6].

Ante virtutem verò sudorem dii posuerunt
Immortales ; longa verò atque ardua via est ad ipsam,
Primùmque aspera..............

Il n’y a point de dons gratuits en ce sens-là, et l’on doit même avouer que cette disposition céleste porte un caractère de bonté ; car nous sentons plus de joie de l’acquisition d’un bien qui nous a coûté beaucoup de fatigues.

(G) Sa cruauté a empêché plusieurs de le mettre entre les bons princes ; et, au dire de Dioclétien, il était plus propre à commander une armée qu’à être empereur. ] Vopiscus nous apprendra ces particularités. Et Aurelianum quidem, dit-il [7], multi neque inter bonos, neque inter malos principes ponunt, idcircò quòd ei clementia, imperatorum dos prima, defuerit. Verconius Herennianus præfectus prætorio Diocletiani, teste Asclepiodoto, sæpè dicebat, Diocletianum frequenter dixisse, quùm Maximiani asperitatem reprehenderet, Aurelianum magis ducem esse debuisse quàm principem. Nam ejus nimia ferocitas eidem displicebat. Ces paroles de Dioclétien sont d’un connaisseur, car il disait qu’il n’y a rien de plus difficile que de bien régner [8], et il savait parfaitement les raisons de cette difficulté. Vous les trouverez dans Vopiscus [9], auteur qui observe que, dans un grand nombre d’empereurs romains, on ne comptait que peu de bons princes [10] ; et qui loue ce qu’un bouffon avait dit, que tous les bons princes pouvaient être peints sur une bagne. Vides, quæso, quàm pauci sint principes boni, ut benè dictum sit à quodam mimico scurrâ Claudii, hujus temporibus, in uno annulo bonos principes posse perscribi atque depingi [11].

(H) Sa libéralité, et le soin qu’il prit de maintenir l’abondance, etc....., firent oublier sa cruauté. ] La manière dont il punit les séditions qui s’étaient faites à Rome pendant son absence, passa tellement les bornes d’une sévérité légitime et nécessaire, que cela ternit sa réputation, et le rendit très-odieux. Magnum illud, et

  1. Vopiscus, cap. XIX, pag. 459, 460.
  2. Idem, cap. XX.
  3. Voyez la remarque (E) de l’article d’Ajax fils de Télamon.
  4. Vopiscus, cap. XVI.
  5. Idem, cap. XXVIII.
  6. Hesiodi Opera et Dies, vs. 289.
  7. Vopiscus, cap. XLIV, pag. 532, 533.
  8. Idem, ibidem, cap. XLIII.
  9. Ibidem.
  10. Idem, cap. XLII.
  11. Idem, ibid., pag. 529.