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BUDÉ.

On lui contesta la gloire d’être le premier qui eût défriché les matières épineuses des monnaies et des mesures des anciens (G) ; mais il montra qu’on ne lui ravirait pas aisément cette couronne. Quelque grands que soient les services qu’il a rendus à la république des lettres par ses écrits, on peut assurer que ce n’est point de ce côté-là qu’elle lui est le plus redevable. Il se ménagea de telle sorte que son grand savoir ne le rendit pas odieux aux inquisiteurs : ainsi sa réputation demeurant saine et entière fut une puissante protection aux belles-lettres, que l’on s’efforçait d’étouffer dans leur renaissance, comme la mère et la nourrice des opinions qui ne plaisaient pas à la cour de Rome (H). Il fut fort considéré à la cour de France (I), depuis qu’une fois son érudition eut été connue ; mais il s’abstint le plus qu’il put d’aller à la cour, jusques à ce qu’il eût appris l’inclination de François Ier. pour les belles-lettres. Ce fut quand la cour était à Ardres, lors de l’entrevue de ce prince avec le roi d’Angleterre, que François Ier. fit venir pour la première fois notre Guillaume Budé (K). Depuis ce temps-là, il se plut à l’entendre discourir, il lui commit sa bibliothéque, et il lui donna une charge de maître des requêtes. En même temps, la maison de ville de Paris l’élut prevôt des marchands. Il fut l’un des principaux promoteurs du dessein que François Ier. exécuta, de fonder des chaires à Paris pour la profession des langues et des sciences. Il se brouilla avec Antoine du Prat, chancelier de France ; ce qui fut cause qu’il ne parut à la cour, qu’autant que sa charge le demandait : mais le temps vint qu’il n’en bougea guère : car son bon ami Poyet fut promu à la charge de chancelier, et le voulut avoir presque toujours auprès de lui. Les chaleurs excessives de l’an 1540 obligèrent François Ier. à faire un voyage sur les côtes de Normandie, pour chercher quelque fraîcheur. Budé fut de ce voyage, et y gagna une fièvre qui lui fit prendre l’envie de se faire porter chez lui. Cela fut exécuté, mais il ne guérit pas pourtant : il eut seulement la consolation de mourir au milieu de sa famille qui était nombreuse[a] (L). La date de sa mort a été falsifiée par quantité d’écrivains (M) ; et cela est bien étrange, vu la gloire qui accompagnait sa réputation. La manière dont il voulut être enterré a produit quelques soupçons contre sa créance (N), qui ont été fort augmentés par la profession ouverte que sa veuve alla faire du protestantisme à Genève, avec une partie de ses enfans (O). Il est néanmoins certain qu’il paraît dans ses écrits fort contraire aux réformateurs (P), quoiqu’il eût parlé quelquefois avec une extrême force contre la cour de Rome, et contre les déréglemens des ecclésiastiques[b]. On dit qu’il ne se voulut jamais laisser peindre (Q), et qu’ayant

  1. Tiré de sa Vie, composée par Louis le Roy.
  2. Voyez dans le XXe. livre du Catalogue des témoins de la vérité, pag. 1934 et suiv. plusieurs extraits du livre de Asse. Voyez aussi la remarque (D) de l’article Jules II.