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BUDÉ.

les mathématiques ; mais l’écolier comprenait si aisément tout ce que le maître proposait, qu’il épuisa bientôt la science du maître. Celui-ci, quoique largement payé de ses leçons, fut plus tôt las d’enseigner, que l’autre d’être enseigné. Mathematicas disciplinas ab Jacobo Fabro nobili philosopho didicit : ad quas tantum ingenii et alacritatis initio attulit, ut evolare non excurrere videretur. Itaque dum Faber multa proponit, Budæus omnia assequitur, eo res venit, ut priùs ille docendo defatigaretur, et si magnam mercedem accipiebat, quàm hic discendo. Neminem præterea audivit [1].

(E) On peut dire qu’il n’étudia que sous lui-même. ] Il représenta en mots grecs les deux circonstances notables de ses études, l’une qu’il les commença sur le tard, l’autre qu’il n’eut point de maître ; il les représenta, dis-je, par les termes d’αὐτομαθής τε καὶ ὀψιμαθής, dans une lettre qu’il écrivit à Érasme, et qui fut montrée à Culbert Tonstal[2]. Il écrivit ensuite une lettre à ce dernier, où il lui fit une description assez longue de la manière dont il avait étudié. Il avoue, qu’après son retour de l’université d’Orléans, il passa quelques années à ne faire que ce que font les jeunes gens qui ne savent rien. Domum reversus salutem dixi litteris, studiis utique indulgens juventutis illiteratæ, quoad post aliquot annos intra paternos parietes clam studere mecum ipse institui [3]. Il dit ailleurs, qu’outre ces deux choses, il y en eut une troisième qui l’obligea à s’appliquer extrêmement à l’étude : c’est qu’il n’avait pas beaucoup de pénétration d’esprit. Omnia majorem in modum facere atque etiam maximum mihi necesse erat homini nec ingenio felici prædito, et qui in adolescentiæ clausulâ non dico discipulus, sed tantùm tyrunculus hujus studii esse cœpissem, et vero gentilis illius Aristippi qui metrodidactus appellatus est : denique qui à memet ipso omnia mutuarer, si quidem nullus erat undè rogare possem [4].

(F) Il publia des notes sur les Pandectes. ] C’est-à-dire, sur les XXIV premiers livres des Pandectes. L’épître dédicatoire au chancelier de France Joannes Deganaius, Jean de Ganay, est datée de Paris, le 4 de novembre 1508. Badius donna en 1530 une édition corrigée et augmentée. Il avait imprimé la suite de cet ouvrage l’an 1528.

(G) On lui contesta la gloire d’être le premier qui eût défriché les... monnaies et les mesures des anciens. ] Un Italien, nommé Léonardus Portius, prétendit être le vrai possesseur de cette gloire. Budé, l’ayant appris, n’entendit point raillerie[* 1]. Il s’en fâcha tout de bon, et déclara qu’il ne tenait d’aucune personne vivante ce qu’il avait publié sur cette matière, et que Portius était son voleur. Quod cùm est ad Budæum allatum, graviter exarsit, quòd nihil tam præter opinionem accidisset quàm ut depelleretur de ejus laudis possessione, quam caducam et vacuam primus bonâ fide occupâsset, et sine cujusquam injuriâ quasi usucepisset. Igitur vehementissimâ animi, ingenii, virium, contentione jus suum defendit, atque hoc ipsum palam testatus est, à nullo se unquàm homine duntaxat qui viveret, his de rebus quas tradidisset, quicquam didicisse vel fando vel legendo : tantùmque abesse ne quid à Portio acceperit, ut omnia quæ sub nomine Portii ad eam prodierunt, illa uno eodem continuato perpetuoque furto essent ex suo Asse translata. Ac æmulo illi sempiternam notam ac ignominiam inussisset, nisi intercessissent amici [5]. Jean Lascaris, qui était ami de l’un et de l’autre, empêcha que cette querelle n’allât plus avant, et obtint à force de prières que Budé n’insérât point dans la seconde édition le discours piquant qu’il avait fait contre Portius[* 2]. L’auteur connut lui-même,

    de Budè à Tonstal : elle est la XXXe. du IIe. livre de celles d’Érasme, pag. 155.

  1. Lud. Regius, in Vitâ Budæi, pag. 39.
  2. C’est la onzième du premier livre, pag. 39.
  3. Epistolâ XXX libri II Erasmi, pag. 155.
  4. Budæus, de Philologiâ, lib. I, Operum tom. I, pag. 35.
  5. Lud. Regius, in Vitâ Budæi, pag. 61.
  1. * Bayle avance cela sur la foi de Le Roy, le seul auteur que j’aie suivi, dit-il dans sa remarque (A). Leclerc rapporte que Budé n’eut connaissance du travail de Portius que tardivement et par hasard, et qu’au lieu de s’offenser de la concurrence, il écrivit (voyez son épître XLIX) qu’un autre pouvait bien avoir fait les mêmes découvertes que lui.
  2. * D’après l’observation rapportée ci-dessus, Leclerc doute avec raison de cette circonstance.