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CARDAN.

d’une infinité de prodiges par lesquels il connaissait, ou en veillant, ou en dormant, ce qui lui devait avenir. Cela lui fit croire que, comme Socrate et quelques autres grands hommes, il était sous la direction d’un génie particulier (N). Que dirons-nous des quatre choses singulières que la nature lui donna (O) ? C’est, 1°. qu’il tombait en extase quand il voulait ; 2°. qu’il voyait ce qu’il voulait ; 3°. qu’il voyait en songe tout ce qui devait lui arriver ; 4° qu’il le connaissait aussi par certaines marques qui se formaient sur ses ongles. On a douté s’il croyait l’immortalité de l’âme [a]. Il fut malheureux en sa famille (P). On l’a blâmé justement de l’audace qu’il avait eue de faire l’horoscope de Jésus-Christ (Q). On prétend que ses pronostics astrologiques ont été assez souvent confirmés par l’événement (R) : mais il avoue lui-même que les règles de l’astrologie se trouvèrent fausses sur son sujet [b]. Quelques-uns ont dit qu’ayant marqué qu’il mourrait en un certain temps, il s’abstint de nourriture, afin que sa mort confirmât la prédiction (S), et que sa vie ne décriât point le métier. Il craignait donc de survivre à la fausseté de ses prophéties : il était donc si délicat sur le point d’honneur, qu’il n’eût pu souffrir le reproche d’avoir été faux prophète, et d’avoir fait tort à sa profession. Peu de gens en pareil cas se piquent de tant de courage, et de tant de charité pour leur art. On se console, on n’a point de honte, on se porte bien [c]. Il a écrit un très-grand nombre de livres ; car l’édition qu’on fit de ses œuvres à Lyon, l’an 1663, contient dix volumes in-folio. Sa pauvreté contribua à cette multitude d’écrits où les digressions et l’obscurité achoppent souvent les lecteurs (T). Il n’a pas fait tant de livres, sans s’approprier le bien d’autrui [d]. Il se justifie par l’exemple de l’empereur Marc Aurèle, de ce qu’il a écrit lui-même sa Vie [e]. Naudé lui prête cette même justification [f] ; mais il est sûr que cet exemple est mal allégué, puisque l’ouvrage que l’on attribue à Marc Aurèle n’est point la Vie de cet empereur : c’est un amas d’instructions morales qu’il se donne. Quelques-uns ont dit que Naudé a publié une Vie de Cardan : ils se trompent ; il n’a publié qu’un discours où il explique sa pensée sur le caractère de cet homme. Il n’a pu s’empêcher de dire que c’était un fou (U) ; il lui fait justice quant au reste, sur l’esprit, sur l’érudition, etc. Scaliger le père écrivit contre Cardan, et s’imagina sans raison que sa critique l’avait fait mourir (X).

L’addition que je ferai concerne l’ouvrage de Subtililate que Jules-César Scaliger réfuta [g] (Y).

  1. Voyez la remarque (D), au premier et au second alinéa.
  2. Voyez la remarque (R).
  3. Voyez les remarques (I) et (K) de l’article Comenius, tom. V.
  4. Voyez la remarque (D), citations (24) et (26), et la remarque (Q), citation (68).
  5. Cardanus, in præf. libri de Vitâ propriâ.
  6. Naudæus, in Judicio de Cardano.
  7. Voyez la remarque (X).