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CORDIER.

si odieux par ses entreprises contre les droits de l’église gallicane, que l’on appela de ses procédures, pendant le concile qu’il convoqua à Béziers. Les députés du clergé de France poussèrent l’appel avec vigueur, et confondirent de telle sorte ce cardinal, dans une assemblée générale qui se tint à Rome, que le pape les pria de se relâcher sur les griefs énormes dont ils se plaignaient [a]. Corcéone mena beaucoup de croisés en 1214 à Simon de Montfort, qui faisait la guerre aux Albigeois [b]. Il mourut dans la Palestine, où il avait suivi la croisade, comme on le peut voir dans M. Moréri. Il est auteur, entre autres ouvrages, d’un traité sur la question si Origène est en paradis.

  1. Tiré des Annales ecclésiastiques de M. de Sponde, à l’ann. 1212, num. 8.
  2. Idem, Spondan., ibid. ad ann. 1214, num. 2.

(A) Il ordonna aux réguliers de ne point coucher deux à deux.] Voici un passage de l’Abrégé du Trésor chronologique de Pierre de Saint-Romuald [1] : « L’an 1212 on célébra un concile à Paris, sous le cardinal de Corcéone, dont M. de Sponde rapporte les décrets, et entre autres celui-ci : Interdicimus regularibus et monialibus ne bini, vel binæ, in lecto jaceant, propter metum incontinentiæ. On publia un petit livre l’an 1643, fait par un pieux prêtre, et approuvé par quatre docteurs, portant pour titre : Avis chrétien touchant une matière de grande importance, dans lequel l’auteur désire grandement que ce décret-là soit sérieusement gardé, à cause des inconvéniens qu’il spécifie le plus chastement qu’il peut. » Aussi chastement qu’il vous plaira ; mais ce livre n’est capable que d’inspirer de l’indignation contre la loi du célibat, puisqu’elle a des suites de cette nature [* 1].

  1. * Leclerc et Joly sont surpris que Bayle, qui s’était astreint volontairement à la continence, fût si prévenu contre le célibat, et se soit déchaîné en mille endroits sur cette matière. Bayle explique clairement ici pourquoi il est révolté contre le vœu de célibat. Quelle grâce Leclerc et Joly n’ont-ils pas à venir dire que le livre du pieux prêtre n’a aucun rapport au célibat ? On dirait en vérité que, en vrais jésuites, ils croient que ce n’est pas le rompre que de faire ce que spécifie chastement le pieux prêtre. Bayle avait ici beau jeu d’être obscène : s’il l’eut été, quels cris Leclerc et Joly n’auraient-ils pas poussés ?
  1. Saint-Romuald, Abrégé chronologique et historique, tom. III, pag. m. 127, 128.

CORDIER (Maturin [* 1]) en latin Corderius, vivait au XVI.e siècle, et fut un des meilleurs régens de classe que l’on eût pu souhaiter ; car il entendait fort bien la langue latine, il avait beaucoup de vertu, et il s’appliquait diligemment à ses fonctions ; aussi soigneux de former ses écoliers à la sagesse, qu’à la bonne latinité. Il usa sa longue vie à enseigner les enfans tant à Paris qu’à Nevers, Bordeaux, Genève, Neufchâtel, Lausanne, et finalement derechef à Genève [a], où il mourut le 8 de septembre [b] 1564, en l’âge de quatre-vingt-cing ans, instruisant la jeunesse en la sixième classe, trois ou quatre jours devant sa mort [* 2]. Il étudia quelque temps en théologie, à Paris, dans le collège de Navarre environ l’an 1528, après y avoir régenté une classe ; mais il abandonna cette étude pour

  1. * La Monnoie, dans ses remarques sur la Croix du Maine, observe que Maturinus venant de Maturus, il faut écrire Maturin, et non Mathurin.
  2. * « Cordier mourut calviniste, (dit Leclerc) plus vieux de 30 ans que la religion qu’il avait embrassée. » C’est ce qu’on peut dire de beaucoup des premiers chrétiens. sans excepter les apôtres.
  1. Bèze, Vie de Calvin, ou préface du Commentaire de Calvin sur Josué, pag. m. 4.
  2. Dans les éditions latines de la Vie de Calvin, il y a VI Nonas Septembris ; mais il fut lire Idus, et non pas Nonas.