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EURIPIDE.

lit dans Eusèbe (FF). Quelques-unes des fautes de M. Moréri sont très-lourdes (GG). La meilleure édition d’Euripide est celle qu’un docteur de Cambridge publia in-folio, l’an 1694 (HH).

(A) Il naquit... à l’île de Salamine, où son père et sa mère s’étaient retirés. ] Le père d’Euripide se nommait Mnésarchus ; il était Athénien, de la tribu Oenoïde, et du bourg ou du peuple [1] qu’on nommait Phyle. C’est ce que je trouve dans la Vie d’Euripide que le docte M. Barnes a composée, et qu’il a mise à la tête de son excellente édition de ce poëte. Mais d’autres savans [2] assurent que Phlya, de la tribu Ptolémaïde [3], était la patrie d’Euripide. J’aimerais mieux dire que c’était la patrie de Mnésarchus, père d’Euripide, et marquer expressément que l’île de Salamine est le lieu de la naissance de ce poëte. M. le Fèvre eût mieux fait de s’exprimer de la sorte, que de dire le lieu de sa naissance s’appelait Phlya, bourg de l’Attique [4]. Je sais bien que Clito, mère d’Euripide, n’accoucha de lui à Salamine que par accident, c’est-à-dire, qu’à cause qu’elle s’y réfugia avec plusieurs autres Athéniens, lorsqu’il fut jugé à propos de quitter la ville d’Athènes, au temps de l’irruption de Xerxès. Je sais bien encore que cette raison est très-bonne pour soutenir qu’Euripide est Athénien, et de la même patrie que son père ; mais enfin nous voulons savoir où les grands hommes sont nés, et ainsi il ne faut pas que l’on nous allègue la patrie de leurs pères dans des rencontres comme celle-ci, où les enfans naissent pendant une fuite ou un voyage de leurs mères. Clito était grosse d’Euripide quand elle sortit d’Athènes avec son mari, pour se sauver à Salamine [5] : elle accoucha le jour même que les Grecs défirent la flotte du roi des Perses auprès de cette île [6], et l’on veut que parce que cette victoire fut gagnée proche de l’Euripe, l’enfant que Clito avait mis au monde fut appelé Euripide [7]. Cette étymologie ne s’accorde point avec Suidas, qui fait mention de deux Euripides différens de celui-ci, et plus âgés que celui-ci. Ils étaient poëtes tragiques tous deux ; et l’un était le neveu de l’autre. Joignez à cela qu’il est fait mention d’un capitaine athénien, nommé Xénophon, fils d’Euripide, sous la seconde année de la guerre du Péloponnèse. Thucydide qui en parle [8] aurait apparemment ajouté que cet Euripide était le poëte, si cela eût été vrai. Son silence m’empêche de croire que M. Barnes [9] suppose légitimement que ce Xénophon était fils de notre Euripide.

(B)..... On dispute sur leur condition. ] Quelques-uns disent que Mnésarchus, père d’Euripide, était un Béotien, qui selon toutes les apparences avait souffert en son pays la peine des banqueroutiers [10]. On avait accoutumé, dans quelques endroits de la Béotie, d’amener sur la grande place les personnes qui ne payaient point leurs dettes ; on leur commandait de s’asseoir, et de jeter un boisseau. C’était une note d’infamie. Quant à Clito, femme de Mnésarchus, on veut qu’elle soit une revendeuse d’herbes : et l’on se fonde non-seulement sur l’autorité d’un poëte comique médisant de profession, mais aussi sur celle d’un historien. Le poëte comique dont je parle est Aristophane [11] :

  1. En grec δῆμος, sorte de division qui avait lieu dans Athènes.
  2. Spon, Voyage de Grèce, tom. II, pag. m. 478.
  3. M. Spon, là même, pag. 477, remarque que Stéphanus et d’autres auteurs mettent Phlya sous la tribu Cécropide : pour lui, fondé sur un marbre et sur Hésychius, il la met sous la Ptolémaïde.
  4. Le Fèvre, Vie des Poëtes grecs, pag. m. 97.
  5. Suidas, in Εὐριπίδης et Manuel Moschopulus, in Vitâ Euripidis.
  6. Idem, ibid. Hesychius Illustrius, in Εὐριπίδης, et Thom. Magister, in Vitâ Euripidis.
  7. Josua Barnesius, in Vitâ Euripidis editioni Cantabrigiensi, 1694, præfixâ, num. 3.
  8. Lib. II.
  9. In Vitâ Euripidis, pag. 24.
  10. Stobæus, in sermone περὶ νόμων, folio 293, apud Barnesium, ibidem, pag. 4.
  11. Ὑπὸ Εὐριπίδου τοῦ τῆς λαχανοπωλητρίας. Ab Euripide filio olerum venditricis. Aristoph., in Thesmophorias, pag. m. 772. Ἄγρια γάρ ἠμᾶς, ὦ γυναῖκες δρᾷ κακὰ. Ἅτ᾽ ἐν ἀγρίοισι λαχάνοις αὐτὸς τραϕείς. Agrestibus enim nos, ô mulieres, afficit malis, utpote inter agrestia olera ipse enutritus. Idem,