Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T06.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
EURIPIDE.

nait un nombre qui valait 40, et qui s’appelait Euripides ; et il en donne pour raison qu’Euripide fut l’un des quarante magistrats que l’on établit dans Athènes après l’expulsion des trente tyrans. Comment aurait-il pu être l’un de ces quarante, puisqu’il était mort avant que Lysandre se fût rendu maître d’Athènes ? Charles Étienne, Lloyd et Hofman ont conservé en son entier cette erreur de Rhodiginus.

(FF) Peu de gens font mention d’une chose qu’on lit dans Eusèbe. ] Il semble que l’on en pourrait conclure qu’Euripide avait un appartement dans la citadelle d’Athènes, avec une pension du public. Je rapporterai les paroles d’Œnomaüs : les savans y feront les commentaires qu’ils jugeront à propos. Εἰ μὲν οὖν ὀ κρότος ἱκανὸς κριτὴς, καὶ ἡ ἐν Ἀκροπόλει τράπεζα, οὐδὲν ἔτι λέγω, βλέπων ἐν Ἀκροπόλει δειπνοῦντα τὸν Εὐριπίδην, καὶ τὸν Ἀθηναίων ἅμα καὶ τὸν Μακεδόνων δῆμον ἐπιψοϕοῦντα. Si ergò vel isti plausus, vel instructa in arce mensa, idonei sunt hoc in genere arbitri, nihil addo : novi enim et in arce Euripidem cœnâsse, et Atheniensium atque Macedonum plausu celebratum eundem fuisse [1].

(GG) Quelques-unes des fautes de M. Moréri sont très-lourdes. ] 1o. Il ne fallait pas dire qu’on appelait notre poëte le philosophe tragique ; mais le philosophe du théâtre. 2o. Au lieu d’assurer qu’il naquit à Phlya [2], il fallait dire dans l’île de Salamine. 3o. Puisqu’il naquit la 1re. année de la 75e. olympiade, il est absurde de dire qu’il vivait en cette olympiade ; car on ne parle ainsi que pour désigner le temps où un homme fait le plus parler de lui. 4o. J’ai déjà marqué [3] l’erreur de ceux qui l’envoient en Égypte avec Platon ; 5o. et qui observent en particulier qu’il y alla après avoir achevé ses études de rhétorique. 6o. On aurait bien de la peine à justifier que Décamnique fût celui qui fit mourir Euripide. Les auteurs qui ont conservé les noms de ceux qu’on accuse de l’avoir exposé aux Chiens ne nomment jamais ce Décamnique. Je m’étonne donc que M. le Fèvre ne se soit attaché qu’à ce nom-là. 7o. En tout cas, il ne fallait point placer la vengeance de Décamnique contre Euripide après la mort d’Archélaüs. M. le Fèvre s’en était fort bien gardé : si M. Moréri avait été bon copiste, il eût fait la même chose ; car il est sûr qu’Euripide mourut quelques années avant ce prince. 8o. Dire qu’Euripide mourut âgé d’environ soixante-quinze ans, en la 93e. olympiade, lorsque l’on a déjà dit qu’il vivait en la 75e. olympiade, est ignorer les élémens de son métier, et ceux de l’arithmétique. Les plus mauvais historiens ne diront jamais qu’un homme qui vit dans la 75e. olympiade (c’est-à-dire, qui est alors dans son état florissant), et qui meurt dans la 93e., meurt âgé d’environ soixante-quinze ans. Un tel homme aurait vécu pour le moins un siècle entier. 9o. Il ne fallait pas dire que ce poëte se retira après l’an 338 de Rome chez Archélaüs, roi de Macédoine ; car puisque l’on devait dire qu’il mourut l’an 348 de Rome, on s’engageait à soutenir qu’il vécut environ dix ans à la cour de Macédoine, fausseté que tous les auteurs condamnent, puisqu’ils ne donnent qu’environ trois ans de séjour à Euripide, dans la cour d’Archélaüs. Et nous avons vu [4] qu’à l’âge de soixante-neuf ans il fit jouer son Oreste dans Athènes. 10o La citation de Diodore de Sicile, l. 13., et celle d’Aulu-Gelle, l. 11, c. 4, sont tout-à-fait inutiles.

(HH) La meilleure édition....... est celle qu’un docteur de Cambridge publia in-folio, l’an 1694. ] Il se nomme Josué Barnes. Il y a joint des scolies et tous les fragmens qu’il a pu trouver. Il a éclairci plusieurs choses par des notes fort savantes, et il a mis en tête une vie d’Euripide toute pleine d’érudition.

Disons un mot sur quelques-unes des éditions précédentes. Gesner [5] observe que la première édition de dix-huit tragédies d’Euripide est celle

    Rhodiginus, mais aussi à Eustathius, in Homer., folio 1289, lin. 61.

  1. Œnomaüs, apud Eusebium, de Præparat. Evangel., lib. V, cap. XXXIII, pag. 228.
  2. Voyez la remarque (A).
  3. Dans la remarque (S).
  4. Ci-dessus, remarque (S), citation (123), pag. 364.
  5. Gesner., in Biblioth., folio 229 verso.