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FRANÇOIS Ier.

François de Paule sa longue stérilité. Hoc correctione indiget, dit-il [1]. Neque enim longam sterilitatem suam deplorare potuit Ludovica, quæ anno ætatis undevicesimo vidua relicta, duplicem jam prolem enixa erat Margaritam filiam natam Engolismæ XI Aprilis anno 1492, et Franciscum, Cognaci editum anno 1494, 12 septembris. Il ajoute qu’Hilarion de Coste, qui avait écrit depuis, avait observé cela dans la Vie du fondateur des minimes, et que MM. de Sainte-Marthe y joignent leur suffrage [2], puisqu’ils disent que Louise de Savoie naquit l’an 1477, et qu’elle épousa Charles d’Orléans, comte d’Angoulême, l’an 1488, et qu’elle accoucha de François, le 12 de septembre 1494, et qu’elle perdit son mari le 1er. de janvier 1496. Voilà donc une fausseté réfutée démonstrativement. Voilà de plus un exemple de la précipitation avec laquelle on entasse les miracles dans la légende d’un saint, sans prendre la peine de consulter les tables généalogiques, ni les tables chronologiques. Si on les avait consultées, on se serait bien gardé de dire qu’une femme qui accouche d’une fille à l’âge de quinze ans, et d’un fils à l’âge de dix-sept, avait soupiré et gémi de sa longue stérilité, et n’en avait été délivrée que par les prières d’un saint personnage. Dieu veuille qu’il n’y ait eu que de la simplicité, et de la crédulité dans le débit de ce faux miracle, et que les besoins et les intérêts de communauté dont je dis un mot ailleurs [3], n’aient point porté les minimes à orner de cette fausse gloire leur patriarche.

(X) Peu de gens connaissaient une particularité qu’on a pu voir dans une lettre d’André Alciat, qui n’est devenue publique qu’en 1697. ] Cette lettre fut écrite de Bourges, le 3 de septembre 1530. Alciat y raconte qu’un certain Jules Camille, savant personnage, avait offert à François Ier. de lui apprendre dans un mois à parler grec et latin, en prose et en vers, avec autant d’élégance que Démosthène et Cicéron, qu’Homère et Virgile. Il suffisait que le roi lui donnât une heure par jour ; mais Camille voulut être seul avec ce monarque, il croyait qu’un si grand secret ne devait être communiqué qu’à des têtes couronnées [4]. Il voulait aussi pour sa récompense un revenu de deux mille écus par an en bons bénéfices. L’assurance avec laquelle il parlait fut cause que François Ier. se persuada qu’il avait quelque chose d’effectif dans les promesses extraordinaires de ce personnage. Il fut renvoyé après la deuxième leçon, et gratifié d’un présent de six cents écus [5].

(Y) Le duc d’Orléans, second fils de François Ier., offrit aux princes protestans d’Allemagne de faire prêcher leur religion. ] Nous devons la découverte de cette grande singularité à M. le Vassor. Il l’a publiée dans la seconde édition des lettres de Vargas qu’il a traduites de l’espagnol, et qu’il a ornées de plusieurs observations très-solides. Il a trouvé [6] parmi les papiers du cardinal de Granvelle, l’instruction que le duc d’Orléans donna à son secrétaire et valet de chambre, en l’envoyant à messieurs les ducs de Saxe, landgraff de Hessen, et autres seigneurs protestans, qui devaient s’assembler à Francfort [7]. Elle est datée de Reims, le 8e. jour de septembre 1543, et commence ainsi : « Leur déclarera le grand desir que parla grace de Dieu nous avons que le saint Evangile soit presché par tout le royaume de France, là où nous vouldrions bien veoir desja quelque commencement. Et pour ce que la crainte et la reverence filiale et l’honneur fraternel que pourtons au roy très-chrétien notre très-honoré seigneur et pere, et à monsieur le dauphin notre frere aisné, nous gardent de le faire prescher librement en notre duché d’Orleans pour estre soubz l’obeissance et main de notre-dit seigneur et pere ; davantage que le pape, l’empereur, et autres princes nous pourroient estre à ce contraires ; et autres causes raisonnables que nous nous re-

  1. Idem, ibid.
  2. Astipulantur FF. Sammarthani, tom. I, lib. 10, pag. 627, Idem, ibid.
  3. Dans la remarq. (N) de l’article François d’Assise ci-dessus, pag. 558.
  4. Nolle enim ea arcana cuiquam inferiori a rege patefieri. Alciat., Epistola XIII, inter Gudianas, pag. 109.
  5. Ex Alciato, ibid.
  6. Le Vassor, Lettres et Mémoires de Vargas. pag. 24. édition de 1700.
  7. Là même, pag. 25.