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DUAREN.

ser, et il fit la dépense d’un monument à la gloire du défunt[a]. Il eut d’autres collègues qui renouvelèrent ses inquiétudes. Il ne vit pas sans douleur que la gloire de Baudouin plus jeune que lui prenait un grand vol[b] ; et après avoir été délivré de cette écharde, il s’aperçut que Cujas, qui succéda à ce dangereux rival[c], avait encore plus de mérite. Il n’aima point ce nouveau venu, et il s’éleva entre eux des querelles dont les suites auraient pu causer de grands désordres dans l’université de Bourges, si Cujas n’avait quitté la partie en se retirant à Valence, pour y enseigner le droit[d]. Duaren mourut l’an 1559 à l’âge de cinquante ans, sans avoir été marié[e]. Vous trouverez dans Moréri plusieurs choses que j’ai omises afin d’éviter les répétitions ; mais il faudra que j’explique mieux qu’il n’a fait ce qui concerne le défaut de mémoire (B). Il n’a rien dit d’un fait insigne dont je ne me tairai pas : c’est qu’on a dit que Duaren était protestant, et qu’il n’eut jamais le courage de se séparer de la communion de Rome. Baudouin le traita de nicodémite et de prévaricateur (C), et lui reprocha d’être plagiaire de Calvin (D). Il y a très-peu de gens qui observent ce que je vais rapporter. Duaren ayant quitté la charge de professeur, elle fut donnée à Baudouin, qui trois ans après conseilla de le rappeler et lui céda le premier rang (E). Je rapporterai quelques autres faits qui serviront de supplément au Moréri (F). On fit une édition des ouvrages de Duaren à Francfort, l’an 1592, in-folio (G). On n’oublia pas d’y mettre son traité des plagiaires : c’est un écrit très-curieux, mais trop court pour un sujet aussi abondant que celui-là. On le pourrait enrichir de plusieurs autres pensées (H). Je donnerai quelques extraits d’une lettre qu’il écrivit contre Baudouin (I). {{References-Bayle}

(A) Il composa un ouvrage où il tâcha de diminuer l’estime que l’on avait pour son collègue. ] Ce dessein a été marqué très-fortement par Sainte-Marthe. Hominum opinioni de Baronis doctrinâ conceptæ nonnihil detrahere conatus est, editâ in eum de jurisdictione et imperio apologiâ malevoli animi teste in posterum futurâ[1]. J’ai cherché dans les œuvres de Duaren cet écrit-là, et j’ai été étonné de l’y voir si court[2] qu’il ne remplit pas tout-à-fait cinq pages ; mais il paraît par le préambule[3] que l’auteur avait réduit son apologie à ce qu’on appelle summa capita, et qu’il avait supprimé le reste pour témoigner quelque complaisance à Baron. Il lui adresse cet abrégé, et le date du 1er. de janvier 1549. Il observe que l’apologie avait été imprimée à son insu, l’année précédente, sous le nom d’Ambrosius Letus. M. Teissier coupe cet ouvrage en deux : il distingue du traité de Jurisdictione et Imperio l’Apologia adversùs Eguinarium Baronem.

(B) Il faudra que j’explique mieux que Moréri ce qui concerne le défaut de mémoire. ] M. Moréri débite que François Duaren était obligé de lire les harangues qu’il avait composées,

  1. Posito suâ pecuniâ in ejus honorem monumento. Sammarth., in Elogiis, lib. I, pag. m. 38.
  2. Papyr. Masso. Elog., part. II, pag. 257.
  3. Bullart. Académ. des Scienc., tom. I, pag. 228. Voyez l’article Baudouin, remarque (L), tome III, pag. 205.
  4. Thuanus, Histor., lib. XXIII, p. m. 471.
  5. Sammarth., Elogior. lib I, pag. 38.
  1. Sammarth., Elog. lib. I, pag. m. 38.
  2. Dans l’édition de Genève, 1608, in-folio.
  3. Voyez page 283 de la IIe. partie des Œuvres de Duaren, edit. Aurel. Allobrog., 1608.