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HOTTINGER.

y fut très-bien reçu. Outre la profession en théologie du Vieux Testament et aux langues orientales, on lui donna la direction du collége de la Sapience, et la dignité de conseiller ecclésiastique. Il fut recteur de l’académie l’année suivante ; et il composa quelque chose sur la réunion des luthériens et des réformés. Ce fut pour complaire à l’électeur, qui était un peu entêté de cette affaire, à quoi il rencontra les obstacles qui avaient arrêté tant d’autres fois un pareil dessein (D). Hottinger accompagna ce prince à la diète électorale de Francfort, l’an 1658, et y conféra avec Ludolfus sur des matières importantes (E). Il ne fut rappelé à Zurich qu’en l’année 1661 ; car on avait eu la complaisance de prolonger le terme pour lequel on l’avait prêté à l’électeur Palatin. Il fut choisi tout aussitôt pour président des commissaires qui devaient revoir la traduction allemande de la Bible. La guerre civile qui s’éleva dans la Suisse, l’an 1664, fut cause qu’il fut envoyé en Hollande pour des affaires d’état. L’académie de Leyde lui adressa une vocation de professeur en théologie, l’an 1667 ; mais n’obtenant point congé de ses supérieurs, il la refusa. On ne se rebuta point de ce refus : on insista pour l’avoir du moins en forme de prêt ; et alors Messieurs de Zurich ayant eu pour les états de Hollande, qui s’étaient mêlés de cette affaire, la condescendance qu’on leur demandait, il accepta ce parti. Comme il préparait toutes choses pour son voyage, il périt malheureusement, le 5 de juin 1667 sur la rivière qui passe à Zurich [a] (F). Il avait souvent refusé les professions qu’on lui offrait (G). Les plus violens adversaires qui aient écrit contre lui sont Léon Allatius, Abraham Ecchellensis, et le père Labbe (H). Le coup de dent que M. Arnauld lui porta fut repoussé par M. Claude (I).

  1. Tiré de sa Vie, composée par Joh. Henr. Heideggerus, et imprimé à la tête du IXe. tome de l’Histoire ecclésiastique d’Hottinger.

(A) Il commença à s’ériger en auteur à l’âge de vingt-quatre ans. ] Et ce ne fut pas pour une petite entreprise, mais pour attaquer sur une matière très-épineuse l’un des plus savans personnages qui fussent alors dans l’Europe. Car il entreprit de réfuter les dissertations du père Morin sur le Pentateuque Samaritain[1]. On lui peut donc appliquer ces vers du Chapelain décoiffé :

Mes pareils avec toi sont dignes de se battre,
Et pour des coups d’essai veulent des Henri quatre.


Cet ouvrage, qu’il intitula Exercitationes Anti-Morinianæ, fut fort goûté par les protestans, soit à cause de l’érudition de l’auteur, soit à cause de la matière qui ne pouvait pas être plus favorable, puisque Hottinger se battait pour le texte hébreu de la Bible, duquel le père Morin énervait l’autorité le plus qu’il pouvait. M. Simon juge que cet ouvrage est un des meilleurs qu’Hottinger ait publiés ; et ainsi l’on pourrait dire que son coup d’essai fut son chef-d’œuvre. Rapportons tout le passage de M. Simon ; il n’est guère avantageux à la mémoire du docteur suisse. « Si Hottinger avait gardé quelque modération dans ses ouvrages, et qu’il ne se fût pas tant arrêté aux minuties, on pourrait y trouver quelque chose d’utile pour l’intelligence du sens littéral de l’Écriture. Mais comme il prend presque toujours parti, et qu’il

  1. Imprimées l’an 1631, et non pas l’an 1651, comme on le dit dans la Vie du père Morin, pag. 22, édit. franç.