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HENRI III.

mément à la maison de Bourbon. Il fut aussy avisé alors par le roy que ledit sieur de Schomberg escrivist au président Jeannin, pour contenir M. de Mayenne en son devoir : mais sa majesté ayant entendu le partement dudit sieur de Mayenne de Lyon, et son cheminement par deçà, ladite lettre ne fut envoyée et est encor entre mes papiers en Allemagne, pleine de belles raisons et persuasions, qui depuis ont porté coup à la réduction dudit duc de Mayenne. »

(R) Ce que le député de la ligue eut ordre de représenter au pape après que le jacobin Jacques Clément eut assassiné le roi. ] On ne saurait conserver trop soigneusement les pièces qui sont des preuves authentiques de la fureur dont la plupart des Français furent saisis sous Henri III, et quelques années après sa mort. Il se trouvera assez de gens qui tâcheront d’obscurcir la vérité de ces faits-là : il faut aller au-devant de leurs attentats ; car plus on s’éloigne du siècle où les choses se sont passées, plus est-il facile de chicaner. Il n’y avait pas encore cent ans qu’Henri III était mort, quand un anonyme osa publier un traité [1] pour soutenir que Jacques Clément ne tua point ce monarque. C’est nier qu’il soit jour en plein midi. Vous trouverez des circonstances convaincantes contre ce moine dans l’écrit dont j’ai reçu une copie [2], et que j’insère ici tout entier.


« Extrait de ce qui a esté représenté au pape par le commandeur de Dieu, ambassadeur pour l’union des catholiques à Rome.

 » C’estoit lors [3], tres-saint pere, que le mal paroissoit plus extrême, et qu’avec plus de perséverance que jamais les prieres tant du clergé que du peuple continuoient, et faut croire certainement qu’elles ont forcé la divine majesté à commiseration, laquelle ne voulut laisser tant de gens de bien, et si zelés à sa sainte cause, en plus long suspens de sa bonté et misericorde, ains les delivrer de langueur par un si grand et merveilleux effet, que tant plus il est considéré tant plus éleve-t-il nos pensées à la meditation et admiration de ses jugemens incomprehensibles. C’est la mort du roy advenue d’une façon si étrange, que la vérité d’icelle et l’impossibilité que l’on y objectoit furent longtemps à combattre à qui l’emporteroit : enfin la nouvelle fut averée par plusieurs concurrens avis, et encor que vostre sainteté en ait eu de particuliers avis d’ailleurs, j’estime qu’elle ne sera point importunée du discours que je luy en feray. Un religieux de l’ordre de saint Dominique du couvent de Paris, nommé frere Jacques Clement, aagé de vingt-trois ou vingt-quatre ans, natif du village de Sorbonne au diocese de Sens, et le dernier de trois cents ou quatre cents qui sont audit couvent, néanmoins divinement élû et choisi pour un si genereux exploit que celuy que Dieu a fait par ses mains, s’estoit plusieurs fois vanté [4] parmy ses confreres, mesme depuis la route de Senlis qu’il voyoit les affaires des ennemis prosperer, que le roy ne mourroit jamais que de ses mains, dequoy les autres tiroient occasion de se moquer, l’appelant par derision, le capitaine Clement. Mais cela ne le faisoit point departir de ce sentiment et mouvement. Au contraire il se fortifia tellement au desir de l’exécution qu’il se rendit constant en ce dessein, ne faisant plus qu’excogiter le moyen pour luy en faciliter l’issue. En cette entreprise il falloit se resoudre à la mort, et de quel genre de supplice il n’en pouvoit arbitrer. Aussy ne se vouloit-il point garantir du plus cruel qu’on luy eust voulu imposer, qui est une constance si admirable en la qualité de religieux, qu’elle ne sçauroit trouver d’exemple en ce siècle. Pour venir au fait, il seut très-secretement pratiquer les lettres d’aucuns politiques, et

  1. Intitulé : La Fatalité de Saint-Cloud. Il fut imprimé l’an 1672. Le jésuite Maimbourg en parle, et le réfute en peu de mots, dans l’Histoire de la Ligue, liv. III, pag. m. 353.
  2. Là même M. Marais me l’a communiquée.
  3. Il venait de représenter le meurtre de MM. de Guise, et les révolutions qui le suivirent.
  4. Nota bene.