naissance de Vénus [1]. On ne trouve plus étrange que par la fermentation qui débrouilla le chaos, ou qui forma divers degrés de raréfaction et de condensation dans l’étendue infinie, les étoiles aient commencé d’exister au firmament, et les dieux au ciel, comme les plantes et les animaux sur le globe de la terre. L’opinion commune des païens sur la nature divine ne mettait qu’une différence du plus au moins entre les dieux ct les hommes. Or, en conséquence de cela, rien n’empêchait que l’on ne s’imaginât que les parties de la matière, qui s’étaient le plus finement subtilisées, avaient composé des dieux, puisque celles qui étaient demeures massives et crasses, et qui comme la lie et le sédiment du tout avaient composé la terre, ne laissaient pas de se convertir en hommes. Notez qu’on s’imaginait que pour animer ces parties crasses et terrestres, il suffisait qu’il tombât du ciel quelques parties spiritueuses ; et de là vient que Lucrèce reconnaît que les corps vivans ont une origine céleste.
Denique cœlesti sumus omnes semine oriundis
Omnibus ille idem pater est, undè alma liquenteis
Humorum guttas mater cùm terra recepit,
Fœta parit nitidas fruges, arbustaque læta,
Et genus humanum, et parit omnia sæcla ferarum,
Pabula cùm præbet, quibus omnes corpora pascunt,
Et dulcem ducunt vitam, prolemque propagant.
Quapropter meritò maternum nomen adepta’ st [2].
Recueillons de tout ceci qu’il n’y
a rien de plus dangereux, ni de plus
contagieux que d’établir quelque
faux principe. C’est un mauvais levain,
qui lors même qu’il est petit
peut gâter toute la pâte. Une absurdité
une fois posée en amène plusieurs
autres. Errez seulement sur la
nature de l’âme humaine ; imaginez-vous
faussement qu’elle n’est pas
une substance distincte de l’étendue ;
cette fausseté sera capable de vous
faire croire qu’il y a des dieux qui
d’abord sont nés de fermentation, ct
qui se sont multipliés dans la suite
par le mariage. Je ne puis finir sans
observer une chose qui me jette dans
l’étonnement. Rien ne me paraît fondé
sur des idées plus claires et plus
distinctes que l’immatérialité de tout
ce qui pense, et néanmoins il y a
des philosophes dans le christianisme,
qui soutiennent que l’étendue est capable
de penser [3] ; et ce sont des
philosophes d’un très-grand esprit,
ct d’une méditation très-profonde.
Peut-on se fier à la clarté des idées
après cela ? Mais d’ailleurs ces philosophes
ne voient-ils pas que sur un
tel fondement, les anciens païens
ont pu s’égarer jusques à dire, que
toutes les substances intelligentes ont
commencé, et qu’éternellement il
n’y avait que de la matière ? C’était
l’opinion du philosophe Anaximènes,
comme on la vu ci-dessus. C’était
aussi la doctrine d’Anaximander, son
maître [4]. On ne prévient pas l’inconvénient
par ce correctif ; c’est que
la matière ne devient pensante que
par un don tout particulier de Dieu.
Cela n’empêcherait point qu’il ne fût
vrai que de sa nature celle est susceptible
de la pensée, et que pour la
rendre actuellement pensante, il
suffit de l’agiter, ou de l’arranger
d’une certaine façon, d’où il s’ensuit
qu’une matière éternelle sans aucune
intelligence, mais non pas sans mouvement,
eût pu produire des dieux et
des hommes, comme les poëtes, ct
quelques philosophes du paganisme
l’ont débité follement.
(H) Pausanias…..……. croit... que l’épithète de bon doit convenir.......... au plus grand des dieux. ] Cette pensée de Pausanias m’a paru très-bonne, et j’ai cru que je ferais bien de rapporter ce passage. Ἔςι δὲ τῆς ὁδοῦ ἐν ἀριςερᾷ, Ἀγαθοῦ Θεοῦ ναός. εἰ δὲ ἀγαθῶν οἱ θεοὶ δοτῆρες εἰσίν ἀνθρώποις, Ζεὺς δὲ ὕπατος θεῶν ἐςιν, ἑπομένως ἀν τις τῷ λόγω τὴν ἐπίκλησιν ταύτην Διὸς τεκμαίροιτο εἶναι. Ad ejus viæ lævam
- ↑ Voyez, tom. V, pag. 540, la remarque (C) de l’article Diogène d’Apollonie.
- ↑ Lucret., lib. II, vs. 990. Joignez à cela ces paroles de Virgile, Georg., lib. II, vs. 325 :
Tum pater omnipotens fœcundis imbribus Æther
Conjugis in gremium lætæ descendit, et omnes
Magnus alit magno commistus corpore fœtus. - ↑ Voyez, tom. V, pag. 512, la remarque (L) de l’article Dicéarque, disciple d’Aristote.
- ↑ Anaximander infinitatem naturæ dixit esse à quâ omnia gignerentur Cicero, Academ. Quæst., lib. II, folio 211, B. Anaximandri opinio est nativos esse deos, longis intervallis orientes, occidentesque. Idem, de Naturâ Deorum, lib. I, cap. X.