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HENRI IV.

de la chretienté qui portent titre de prince, n’y ayant pas plus de soixante ou quatre-vingts ans que ses devanciers n’estoient qu’au rang des plus illustres bourgeois de leur ville, et de la mesme race de la reine-mere Catherine qui a tant fait de maux à la France, et encor plus à moy en particulier, j’apprehende cette alliance, de crainte d’y rencontrer aussi mal pour moy, les miens, et l’estat. Voilà toutes les estrangeres dont j’estime avoir esté parlé. Quant à celles de dedans le royaume, vous avez ma niepce de Guyse, qui seroit une de celles qui me plairoit le plus, nonobstant ce petit bruit que quelques malins esprits font courir, qu’elle aime bien autant les poulets en papier qu’en fricassée : car pour mon humeur, outre que je croy cela tres-faux, j’aimerois mieux une femme qui fist un peu l’amour, qu’une qui eust mauvaise teste, dequoy elle n’est pas soupçonnée ; mais au contraire d’humeur fort douce et d’agreable et complaisante conversation, et pour le surplus de bonne maison, belle, de grande taille, et d’apparence d’avoir bientost de beaux enfans, n’y apprehendant rien que la trop grande passion qu’elle tesmoigne pour sa maison, et sur tout ses freres, qui luy pourroient faire paistre des desirs de les eslever à mon prejudice, et plus encor de mes enfans, si jamais la regence de l’estat luy tomboit entre les mains. Il y a aussi deux filles en la maison du Mayne, dont l’aisnée, quelque noire qu’elle soit, ne me desplairoit pas, estans sages et bien nourries ; mais elles sont trop jeunettes. Deux en celle d’Aumalle, et trois en celle de Longueville, qui ne sont pas à mespriser pour leurs personnes ; mais d’autres raisons m’empeschent d’y penser. Voilà pour ce qu’il y a de princes. Vous avez apres une fille en la maison de Luxembourg, une en la maison de Guimené, ma cousine Catherine de Rohan, mais cette-là est huguenotte et les autres ne me plaisent pas ; et puis la fille de la princesse de Conty de la maison de Lucé, qui est une tres-belle fille et bien nourrie, aussi seroit-ce celle qui me plairoit le plus, si elle estoit plus aagée ; mais quand elles m’agréeroient toutes, pour si peu que j’y recognois, qui est-ce qui m’asseurera que j’y rencontreray conjointement les trois principales conditions que j’y desire, et sans lesquelles je ne voudrois point de femme ? À sçavoir qu’elles me feront des fils, qu’elles seront d’humeur douce et complaisante, et d’esprit habile pour me soulager aux affaires sedentaires ; et pour bien regir mon estat et mes enfans, s’il venoit faute de moy avant qu’ils eussent âge, sens et jugement, pour essayer de m’imiter : comme apparemment cela est pour m’arriver, me mariant si avant en l’age. Mais quoy donc, Sire (luy respondites-vous), que vous plaist-il entendre par tant d’affirmatives et de négatives, desquelles je ne saurois conclurre autre chose sinon que vous desirez bien estre marié : mais que vous ne trouvez point de femmes en terre qui vous soient propres ? Tellement qu’à ce conte il faudroit implorer l’ayde du ciel, afin qu’il fist rajeunir la reine d’Angleterre, et ressusciter Marguerite de Flandres, mademoiselle de Bourgogne, Jeanne la Loca, Anne de Bretagne, et Marie Stuart, toutes riches heritieres, afin de vous en mettre au choix ; car selon l’humeur que vous avez temoigné parlant de Clara Eugénie, vous seriez homme pour agréer quelques-unes de celles-là qui possedoient tant de grands estats. Mais laissant toutes ces impossibilités et imaginations vaines à part, voyons un peu ce qu’il faut faire, etc. »

(K) Je dirai encore ici quelque chose sur les coups de gaule. ] Je me servirai des paroles d’un ministre wallon[1]. Le psaume Miserere fut chanté à la réconciliation de Henri-le-Grand, où du Perron et d’Ossat, couchés de leur long la face en bas, représentant le roi de France, en la présence du pontife et du consistoire, reçurent pour ce roi sa pénitence décrétée par ce saint siége, qui fit com-

  1. Jérémie de Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 686.