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LIPSE.

instruit de ce qu’il disait ; mais elles ne parlent pas de l’offre de la liberté de conscience.

(E) Il y eut des protestans qui ne secondèrent pas la passion de quelques-uns de leurs confrères, pour diffamer ce savant homme. ] Un ministre nommé Lydius, voulant publier les lettres que son père avait reçues de Juste Lipse, fut instamment supplié par Baudius de ne le pas faire ; par Baudius, dis-je, qui sachant que Lydius persistait dans son dessein, se prépara à écrire contre lui en faveur de Lipse. Perstat in incœpto, ut sermonem tuum audio. Sed quia sibi sumit eam licentiam ut faciat quæ sunt contrà morem bonorum, contra fas gentium, contrà jus humanitatis : faxo dicat se nactum, qui hâc in parte causam amici et quondam doctoris indefensam esse non patiatur[1]. Ce n’est pas que Baudius approuvât les deux ouvrages de Lipse sur les miracles de la Sainte Vierge : au contraire, il en parlait avec le dernier mépris ; mais il croyait que les lettres que les amis s’entr’écrivent doivent être un secret inviolable[2]. Non quòd ejus Divas ullo colore defendi posse censeam, sed interim non est tollenda è vitâ vitæ societas, quod faciunt qui litteras, hoc est amicorum colloquia absentium, foràs eliminant [3].... Deest scilicet hostis, et seges ac materies metendæ gloriæ non suppetit, nisi ex labe et ruinâ celebratissimi in litteris viri, et honorificè à bonis nominandi, tametsi famam suam miserè decoxerit duplici illâ publicatione Virginum, quibus sæpè incolumi authore lumbifragium, exoptavi[4]. Encore que Lydius fût un grand prédicateur, Baudius ne laissait pas d’espérer d’en avoir fort bon marché. Etiamsi multum in concionibus valeat, vereor tamen ut hic stare possit. Fervida ingenia plerumque violentiam naturæ et profundam ambitionem velare solent præclare schemate zeli, quod est everriculum et mantile multarum fraudum. Sed non desunt nobis rationes quibus sæculo planum et perspicuum fiet, Quid solidum crepet et pictæ tectoria linguæ[5]. Il nous apprend dans la même lettre, que Scaliger avait trouvé fort mauvais que Thomson eût fait un livre si violent contre Lipse[6]. Il dit aussi que c’est ignorer les lois de l’humanité, et les droits des belles-lettres, que de prétendre que les savans doivent épouser les uns contre les autres les guerres d’état, et les querelles de religion, et que pour lui il ne suivra jamais ces maximes, pendant qu’il lui restera une goutte de bon sens. Non dissimulo, nec unquàm dissimulabo, intercedere mihi cum Lipsio, extrà causam religionis et libertatis, ob quam publicè bello decertamus, omnia quam summæ necessitudinis, quæ cum ullo mortali esse possunt. Numquàm litârunt Gratiis, et ignorant quid humaniores litteræ, quid humanitas ipsa flagitet, qui ob eam rem testatas inimicitias promiscuè omnibus indicendas esse arbitrantur. In eo censu non erit Baudius, quamdiù sanam animi mentem obtinebit[7]. Grutérus, qui avait des lettres de Lipse, ne voulut jamais les communiquer à ceux qui les lui demandèrent, pour en faire part au public. Il ne voulut pas fournir des armes contre l’honneur de ce savant homme. Lipsii epistolas amici multi à me petierunt, quibus semper negavi quòd nollem quidquàm ex iis depromi undè ei aliquid inureretur infamiæ[8]. Mais Lingelsheim[9] ne fut pas si délicat, vu qu’après s’être servi de quelques lettres que Lipse étant à Iène avait écrites à Camérarius : il les offrit à Goldast pour être imprimées[10]. Goldast avait déjà fait à Lipse la supercherie dont j’ai parlé en un autre lieu[11].

  1. Baudius, epist. LVI, centur. II, pag. m. 241.
  2. Idem, ibidem.
  3. Idem, ibidem, pag. 242.
  4. Voyez Patin, lettre XXVII, pag. 124 du Ier. volume, où il cite aussi du Moulin et Keckerman.
  5. Baudius, epist. LVI, cent. II, pag. 241.
  6. Opus est sanè non ineruditum, et quod arguas scriptorem multæ lectionis : nisi quod suprà modum modestiæ effervescit, quo numine etiam seriò reprehensus est ab heroe Scaligero. Baudius, epist. LVI, cent. II, pag. 242.
  7. Ibidem.
  8. Gruter., apud Quirinum Reuterum, epist. CCCXCIII, inter eas quæ ad Goldastum scriptæ prodierunt anno 1688.
  9. Voyez le Recueil des lettres écrites à Goldast, publié l’an 1688, pag. 391.
  10. Goldast publia quelques lettres anecdotes de Lipse, sous le titre de Lipsii λείψανα.
  11. À l’article de Goldast, remarque (I), tom. VII, pag. 102.