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LYSERUS.

bouche, que l’aisnée de ces deux vierges fut par lui engendrée, conceue, mise en lumiere, et baptisée dans l’espace de dix jours : je le crus, et n’en fus point esbahi. Ces actes de superstition ont un pere et une sage-femme invisible, outre ce qu’il n’est pas seant qu’un elephant demeure trois ans à engendrer une souris. Il me fut dit en la boutique de son Moret, non sans quelque indignation, que nostre roi[1] ayant bien consideré le livre, et leu quelques passages d’icelui, le jetta à terre avec cette censure, damnation à celui qui l’a fait et à celui qui le croit. Je ne m’enquiers pas si c’est une histoire veritable, ou un de leurs contes. Bien suis-je asseuré que cette sentence ne leur causoit pas tant de mescontentement que de joye à moi[2]. »

  1. C’est-à-dire, Jacques Ier., roi de la Grande Bretagne.
  2. Joseph. Hall, Epistres meslées, Ire. décade, pag. 77 et suivantes. Je me sers de la traduction de Jaquemot, imprimée à Genève l’an 1627.

LYSÉRUS (Polycarpe), célèbre théologien de la confession d’Augsbourg, naquit à Winenden au pays de Wirtemberg, le 18 de mars 1552. Il n’avait que deux ans lorsque son père[a] mourut ; mais sa mère se remariant[b], lui procura un beau-père qui eut un grand soin de lui. Les progrès qu’il fit pendant son enfance le firent juger digne d’être élevé dans le collége de Tubinge, aux dépens du prince de Wirtemberg. Il employa si bien son temps qu’il fut installé au ministère l’an 1573, et au doctorat en théologie l’an 1576. Sa réputation se répandit de toutes parts, de sorte qu’Auguste, électeur de Saxe, l’appela pour être ministre de l’église de Wittemberg l’an 1577. À peine eut-il fait paraître ses talens dans cette église, qu’il fut agrégé au nombre des professeurs en théologie. Il fut un des principaux directeurs du livre de la Concorde[* 1], et il exerça vigoureusement la charge de missionnaire (A), pour le donner à signer à ceux qui étaient dans les emplois. Il assista à toutes les assemblées qui furent tenues touchant ce livre, ou touchant la réunion des calvinistes et des luthériens, qui était négociée par les agens du roi de Navarre. Christien, électeur de Saxe, ayant succédé[c] à la dignité de son père, mais non pas à son luthéranisme rigide, fut ravi de voir que Lysérus lui communiquât les conditions avantageuses qu’on lui offrait à Brunswick (B). Il le congédia de bon cœur, et au grand regret de ses sujets. Lysérus ne fut d’abord que coadjuteur à Brunswick ; mais il y fut ensuite intendant. On le rappela à Wittemberg après la mort de Christien ; et il fut fait ministre de cour à Dresde, l’an 1594. Il s’arrêta là toute sa vie, et employa son temps, non-seulement aux fonctions du ministère, mais aussi à l’éducation des jeunes princes, et à composer des livres (C). Il mourut le 22 de février 1601, père de treize enfans (D), et grand-père de trois petits-fils et d’une petite-fille. Son testament fut une preuve de charité envers les

  1. * Polycarpe Lysérus, arrière-petit-fils de celui dont parle Bayle, ne convient pas, dit Joly, que son bisaïeul ait eu aucune part au fameux livre de la Concorde ; mais il avoue qu’il fut un des premiers à souscrire à cette formule.
  1. Pasteur et surintendant de Winenden.
  2. Avec Luc Osiander, fameux théologien.
  3. L’an 1586.