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LUGO.

mier auteur de la découverte du péché philosophique (G).

(A) Son père faisait sa résidence ordinaire à Séville. ] Il y exerçait une charge assez honorable : je la nommerais, si je savais comment elle a nom en espagnol [1] ; mais ne le sachant pas, je me servirai des termes latins de don Nicolas Antonio [2] : Joannes de Lugo, Joannis filius civis et jurati (quomodò secundi subsellii decuriones vocant) Hispalensis. Les états du royaume ayant été convoqués à Madrid, il y assista comme député de sa patrie [3] : il se maria dans la même ville avec Thérèse de Quiroga, et y eut le fils qui fait le sujet de cet article [4]. Ce fils eut raison de se surnommer Hispalensis, plutôt que Madrilensis ; car lorsqu’une femme accouche pendant le cours d’un voyage, on ne donne point pour patrie à son enfant le lieu où il naît, mais le lieu où son père et sa mère sont établis. On en use de même envers les enfans d’un ambassadeur, nés dans le lieu où il exerce son ambassade. Ils sont censés natifs du lieu où leur père résiderait s’il n’était pas ambassadeur ; et parce qu’il est absent pour des affaires publiques, reipublicæ causâ, ils ont part aux priviléges de ceux qui naissent dans la patrie. Le pire du cardinal de Lugo était dans le cas ; il séjournait à Madrid comme député de Séville à l’assemblée des états du royaume.

(B) Il fit imprimer sept gros volumes in-folio. ] Le 1er. traite de Incarnatione dominicâ, et a été imprimé à Lyon, l’an 1633 et l’an 1653. Le 2e. traite de Sacramentis in genere et de ven. eucharistiæ sacramento et sacrificio, à Lyon, 1636. Le 3e. traite de Virtute et sacramento pœnitentiæ, à Lyon, 1638, 1644 et 1651. Le 4e. et le 5e. traitent de Justitiâ et jure, à Lyon, 1642 et 1652. Le 6e. traite de Virtute divinæ Fidei, à Lyon 1646 et 1656. Le 7e. est un Recueil Responsorum moralium, à Lyon, 1651 et 1660. Outre cela, il a fait des notes, in Privilegia vivæ vocis oraculo concessa Societati, imprimées à Rome, l’an 1645, in-12 ; et il a traduit d’italien en espagnol la Vie du bienheureux Louis de Gonzague [5]. Le 4e. de ces volumes fut dédié au pape Urbain VIII : l’auteur fut obligé alors d’aller faire la révérence à ce pape, à qui il n’avait jamais parlé [6]. Il en fut fort bien reçu ; et depuis ce temps-là Urbain se servit de lui en plusieurs rencontres, et lui témoigna une affection particulière. De Lugo se voyant contraint d’être auteur, ne se servit du secours d’aucun copiste, ni d’aucune autre personne pour mettre ses manuscrits en l’état où ils devaient être, quand ils étaient envoyés à l’imprimerie. Il soutint tout seul le poids de ce grand travail [7]. Le père Maimbourg s’est servi d’une pensée de ce cardinal, qu’on sera peut-être bien aise de trouver ici, et qui peut aider à faire connaître les principes de ce docteur espagnol. L’église, ce sont les paroles du père Maimbourg [8], n’a pas encore jugé qu’il fallût rien déterminer d’essentiel sur la conception immaculée de la Sainte Vierge. Elle n’en a pas usé de la sorte sur le chapitre de l’exemption du péché véniel ; car elle a décidé ce point-là comme étant des appartenances de la foi..... Elle a consulté l’Écriture et la tradition apostolique, et le sentiment des saints pères, sur la qualité de mère de Dieu, pour en découvrir toute l’étendue ; et [* 1] comme ensuite elle a trouvé que l’exemption du péché véniel était comprise dans cette dignité suprême, comme une conséquence nécessaire dans son principe, elle l’a définie comme un point de foi [* 2], révélé dans la parole de Dieu qui l’enferme. C’est la remarque du savant et du subtil cardinal de Lugo [* 3], dans son excellent Traité de

  1. (*) Aug., lib. de nat. et grat., c. 36.
  2. (*) Conc. Trid.
  3. (*) Disp. 3, sect. 5, num. 73.
  1. Je crois que ceux qui ont cette charge se nomment Jurados, comme les consuls de Bordeaux s’appellent Jurats ; mais ces consuls se renouvellent tous les ans.
  2. Bibliotheca Scriptor. hisp., tom. I, p. 556.
  3. Idem, ibidem.
  4. Nath. Sotuel, Biblioth. Script. societat., Jesu, pag. 471.
  5. Tiré de Nathanaël Sotuel, Bibliothec. Scriptor. societ. Jesu, pag. 471, 472.
  6. Eâ occasione necesse habuit adire suam Sanctitatem, quam nunquam anteà fuerat allocutus. Idem, ibid., pag. 472.
  7. Idem, ibidem.
  8. Maimbourg, Méthode pacifique, pag. 60 de la troisième édition, qui est de l’année 1632.