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MAIGNAN.

supposition il ne faut point de miracle pour expliquer comment subsistent les apparences du pain à l’égard de tous nos sens : ce doit être une suite naturelle de la situation du corps de Notre-Seigneur dans l’espace du pain détruit ; mais cet avantage ne résultant que d’une hypothèse qui enferme des absurdités incompatibles avec le dogme de la Transsubstantiation, ne peut point faire que le cartésianisme égale ici l’explication du père Maignan, quoiqu’elle ait besoin d’un miracle particulier pour la continuation des apparences du pain et du vin de l’Eucharistie.

(B) Je dirai un mot de ses écrits. ] Il fit imprimer, à Toulouse, un cours de Philosophie en quatre volumes in-8°., l’an 1652. Il l’a redonné au public, in-folio [1], l’an 1673, avec beaucoup d’additions, et l’a dédié au président d’Onoville, si loué dans le voyage de MM. de Bachaumont et la Chapelle. Il y a joint entre autres choses la critique des tourbillons de M. Descartes, et une dissertation sur la trompette à parler de loin, inventée par le chevalier Morland. On a aussi de lui un ouvrage de théologie intitulé Philosophia Entis sacri, et une Perspectiva horaria, imprimée à Rome, l’an 1648, in-folio, etc. Voici ce qu’on trouve dans M. Baillet à l’égard de ce dernier livre. M. Carcavi manda à M. Descartes qu’il y avait à Rome un minime nomme le père Maignan, plus intelligent et plus profond que le père Mersenne, qui lui faisait espérer quelques objections contre ses principes. Ce père... s’appelait Emmanuel, et était Toulousain de naissance. Mais il demeurait pour lors à Rome, où il enseignait la théologie au couvent de la Trinité du mont Pincio, qu’on appelle autrement des Minimes français. Il avait mis au jour depuis un an [* 1] en latin, un ouvrage curieux divisé en quatre livres, touchant les horloges et les cadrans solaires : et il avait écrit vers le même temps au père Mersenne, encore vivant [* 2], que par ses principes physiques il avait trouvé géométriquement la même proportion des réfractions que celle de M. Descartes. Mais il ne croyait pas que les principes qu’il établissait pour le mouvement d’un corps lumineux qui s’enfle et qui se désenfle, fussent véritables : ni même quand on supposerait ces principes, qu’il fit possible que les réfractions se fissent comme il est certain qu’elles se font. C’est sur quoi le père Maignan avait principalement envie de faire des objections à M. Descartes : selon qu’il pouvait l’avoir mandé à M. Carcavi un an après [2]. N’oublions point la Dissertatio theologica de usu licito pecuniæ, publiée par notre minime l’an 1673, in-12. Elle fut censurée par quelques évêques.

(C) On l’a confondu avec un autre philosophe nommé Magnen. ] Quelques-uns (je me sers des termes de M. Baillet [3]) ont confondu mal à propos Emmanuel Maignan avec Jean Chrysostome Magnen, professeur de Pavie, qui avait publié, en 1648, le Démocrite ressuscité, qui fit croire aux Hollandais que c’était un philosophe cartésien. M. Baillet cite Revii Statera, pag. 243. Ce Jean Chrysostome Magnen était de Luxeuil, dans la Franche-Comté, et professait la médecine à Pavie. Outre le Democritus reviviscens, imprimé à Leyde l’an 1648, in-12, et dont l’épître dédicatoire est datée du 30 avril 1646, j’ai vu de lui un Traité de Mannâ [4], imprimé à la Haye, l’an 1658, in-12, et dont l’épître dédicatoire est datée du 5 avril 1648. Ces éditions de Hollande ne sont pas les premières.

(D) Il était d’une ancienne et noble famille. ] Son père, conseiller du roi, référendaire et doyen de la chancellerie de Toulouse, comptait parmi ses ancêtres les barons de Maignan, qui ont fait une très-grande figure dans l’Armagnac. Il épousa la fille d’Emmanuel de Alvarez, professeur royal en médecine, dans l’université de Toulouse. Voilà le père et la mère du minime dont nous parlons, et voici le texte de son élogiste. Pater ei fuit Petrus Maignanus con-

  1. (*) En 1648, in-fol., à Rome, Perspectiva Horaria, etc.
  2. (*) Lettre MS. de Maignan à Mersenne, du 17 juillet 1648, pag. 612 du 1er. vol. des Lettres MS. à Mersenne Variorum.
  1. Imprimé à Lyon, chez Jean Grégoire.
  2. Baillet, Vie de Descartes, tom. III, pag. 379, 380, à l’ann. 1649.
  3. Là même.
  4. On le joint avec celui de Tabacco du même auteur.