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MAINUS.

[a]. C’est à cette belle action que notre jurisconsulte doit sa naissance. Il fut élevé à Milan, où son père s’en retourna : mais son précepteur le traita fort durement et n’eut pas pour lui les mêmes soins que pour les fils légitimes d’Andréot Mainus. On l’envoya étudier en jurisprudence à Pavie. Il s’adonna tellement au jeu des cartes, qu’après y avoir perdu tout son argent et ses livres, on le vit aller par les rues dans un misérable état (A). Il profita des châtimens que son père lui fit souffrir ; car il s’appliqua si bien à l’étude, qu’il fit des progrès admirables tant à Pavie, qu’à Boulogne ; de sorte qu’il fut jugé digne d’enseigner le droit, l’an 1471. Il enseigna dans Pavie depuis cette année-là jusqu’en 1486 qu’il fut appelé à Padoue. Quoiqu’on lui donnât de gros gages (B), il ne s’en contenta point, et cela fut cause que n’ayant pu obtenir qu’on les augmentât, il se retira au bout de trois ans à Pise, où il eut une meilleure pension. Il fut rappelé à Pavie, l’an 1491, et s’y rendit si célèbre qu’il avait jusqu’à 3000 disciples. Il fut envoyé à Rome l’année suivante, pour féliciter le nouveau pape Alexandre VI. Sa harangue fut très-belle. Celle qu’il fit sur le mariage de Maximilien d’Autriche, roi des Romains, avec la nièce de Louis Sforce, ne fut pas moins applaudie à la cour de l’empereur, d’où il revint chargé de présens et de titres honorables (C). Il harangua aussi l’an 1495, lorsque Louis Sforce fut déclaré duc de Milan, ce qui lui valut de nouveaux titres [b]. Étant devenu presque aveugle, il interrompit ses leçons (D), et ne put être engagé à les reprendre, que par les pressantes sollicitations de Louis XII. Il fut honoré de la présence de ce prince à l’une de ses leçons (E) : cela fut accompagné de mille agrémens ; mais le fief dont on l’investit ne lui apporta jamais un sou [c], et au contraire l’engagea à des dépenses considérables. La jalousie de profession entre lui et Philippe Décius alla fort loin (F). Ce n’était pas un homme qui eût l’esprit fort subtil, ni qui fît scrupule de se prévaloir du travail d’autrui (G). Il rançonnait cruellement ceux qui le venaient consulter, mais il promettait de leur rendre leur argent s’ils perdaient leur cause [d]. Il fut dispensé de faire leçon les dernières années de sa vie. Ce fut une grâce qu’il obtint du duc de Milan, et que le mauvais état de son esprit lui aurait suffisamment procurée. Cette dernière partie de sa vie fut triste : il avait perdu l’esprit, et il avait un neveu qui le battait [e]. Il mourut à Pavie, le 22 de mars 1519, âgé de quatre-vingt-quatre ans, et laissa un fils naturel, qui eut des charges dans la république de Gênes [f]. La ré-

  1. Pisaurum ad Galeacium malatestam oppidi dominum venit ubi ex ancillâ Annete concubinâ... Jasonem filium suscepit Guidus Panzirol. de claris Legum Interpretib., lib. II, capite CXXVII, pag. 281.
  2. Voyez la remarque (C).
  3. Voyez la remarque (D).
  4. Voyez la remarque (B).
  5. Ferunt cum senio confectum delirâsse, et Sæpè à Corn. Hippolyto ex fratre nepote pugnis cæsum fuisse. Panziroll. ubi infrà, pag. 286.
  6. Tiré de Panzirole, lib. II de claris Legum Interpretibus, cap. CXXVII.