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MARCEL.

auteur, de Primatu Lugdunensi et ceteris Primatibus, cum notis ad Canones aliquot Concilii Claromontani sub Urbano II celebrati [1]. Je ne saurais croire ce que conte l’abbé Faget, que de Marca au sortir de ses études, et s’en retournant de Toulouse chez son père, confondit de telle sorte quelques gentilshommes huguenots qui l’avaient provoqué à la dispute dans la maison d’un baron, qu’il fallut qu’un ministre de Pau fort renommé pour sa science vînt à leur secours. Il proposa quelques sophismes dont le jeune écolier fit voir le faible par un passage de saint Paul [2]. Le ministre ne put répliquer autre chose, sinon que le texte de l’apôtre n’était pas tel. De Marca tirant de sa poche un Nouveau Testament grec, se mit en état de justifier sa citation ; mais le ministre déclara qu’il n’entendait rien en cette langue. Ce récit de M. Faget a tout l’air d’un conte fait à plaisir [* 1]. Allatis quibusdam argutiis, ; quarum aciem citato ex epistolis divi Pauli loco novus athletes omninò retudit. A tam expresso rei probandæ textu Ψευδοποίμην nullo alio modo explicare se potuit, quàm alter in divo Paulo legi pertinaciter contestando. Marca verò confestim in Novi Testamenti græci absquè interpretatione latinâ, quem ferè semper secum ferebat, codice, laudatum locum ipsismet, quæ attulerat verbis, conceptum indicavit. Sed cùm sibi penitùs ignotam eam linguam profiteretur pseudominister ; si non omninò caussa cecidisse, delusus saltem ab adolescente suis etiam visas est [3].

(N) Sans avoir besoin de guide. ] La plupart des savans ne sont propres qu’à cultiver les terres qui ont été déjà défrichées. Ils peuvent aplanir ou élargir un chemin que d’autres ont déja fait. Quelques-uns en très-petit nombre,

.......... ...........Quibus arte benignâ

Et meliore luto finxit præcordia Titan [4],


peuvent défricher les terres les plus incultes, et faire une route dans les forêts où personne n’avait passé. M. de Marca était de ce petit nombre choisi. Le rang qu’il tenait parmi les critiques était pour le moins aussi considérable dans la république des lettres, que celui qu’il avait parmi les prélats l’était dans l’église et dans l’état [5]. L’auteur dont j’emprunte ces paroles rapporte les louanges que le père Combéfis [6], et le père Labbe [7], ont données au grand esprit de ce prélat ; et il ajoute, que la sûreté de ses conjectures, et cette liberté de dire ses sentimens,…. lui auraient encore fait porter sa critique plus loin. s’il n’eût été retenu par les considérations que chacun sait.

  1. * Leclerc trouve que Bayle, qui dans les triomphes des ministres protestans sur les prêtres catholiques s’en rapporte au témoignage des auteurs protestans, rejette comme suspects ceux des auteurs catholiques, quand il s’agit du triomphe des catholiques sur les protestans. Voyez la remarque (D), de l’article de Maldonat et la remarque (F) de l’article Mestrezat, dans ce volume.
  1. Baluzius, de Vitâ P. de Marca, pag. 40.
  2. Faget, in Vitâ P. de Marca, pag. 11.
  3. Là même, pag. 12.
  4. Juven., sat. XIV, vs. 34.
  5. Baillet, Jugement des Savans, tom. II, num. 245.
  6. Combef. Recension. Auctor. Concionat., pag. 15.
  7. Labbe, epist. dedicat. Dissert. de Scriptor. Ecclesiasticis, et tom. XI, Concil. general., ad Concil. Claromontan.

MARCEL ( Christophle), noble vénitien, et archevêque de Corfou [a] au XVIe. siècle, se rendit recommandable par son savoir, par son éloquence, par sa piété, et par ses mœurs ; et il pouvait se promettre de Clément VII les dignités les plus relevées. Il se trouva malheureusement à Rome, lorsque les troupes de Charles-Quint la saccagèrent. Il tomba entre les mains des Espagnols, qui après avoir pillé sa maison, l’emmenèrent prisonnier ; et le tourmentèrent cruellement parce qu’il ne pouvait point payer la grosse rançon qu’ils lui demandaient. Pour se consoler de n’avoir pas eu de lui les sommes qu’ils en avaient attendues, ils

  1. Pierius Valerianus, ubi infrà, exprime cela par primarius Corcyrensium Elamen.