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MARETS.

qu’un homme, qui a refusé un parti, s’expose aux mauvais offices des parens de la personne qu’il n’a pas voulu épouser. C’est une injure que la belle ne pardonne pas ; et si elle a du crédit, si elle est capable d’intrigues, elle peut causer bien des chagrins à un professeur et à un ministre. Ces messieurs-là ont des partisans et des envieux : et de là naissent des factions et des discordes, dont une famille, qui est indignée du mépris de l’alliance qu’elle avait voulu contracter, se peut servir pour satisfaire son ressentiment. Il ne sert donc pas étrange que Samuel des Marets eût essuyé à Sedan plusieurs fâcheuses persécutions, après avoir irrité une famille par un jugement en quelque façon semblable à celui de Pâris,

..... spretæque injuria formæ.


Mais il est étrange, qu’en se mariant avec une veuve qu’il n’avait jamais refusée, il ait fait cesser l’orage, et se soit réconcilié avec tous ses ennemis. Voilà ce qu’on ne comprend point. Le mariage avec cette veuve était un nouveau sujet de colère pour le parti méprisé. Si des Marets eût toujours vécu garçon, on eût pu croire que son refus avait pour cause une indifférence générale ; cela porte avec soi une espèce de consolation pour la belle refusée : mais dès qu’on le voit marié, on ne considère en lui qu’une indifférence particulière, qu’un mépris pour une telle. C’est ce qui désole, c’est ce qui doit augmenter l’indignation, les traverses, les mauvais offices. Il y a donc ici quelque chose qui est trop enveloppé : la narration n’est point exacte ; il y manque beaucoup de faits que je ne rapporterais pas quand même je les saurais. J’en sais une partie.

(D) Il publia son premier livre, auquel il a donné une infinité de successeurs. ] Vous trouverez une liste chronologique de ses ouvrages à la fin de son Système de Théologie [1]. Le nombre en est prodigieux : la variété des sujets témoigne que ce n’était pas un esprit borné. On peut dire, et qu’il était fort laborieux, et qu’il écrivait facilement et avec beaucoup de feu et d’érudition. Il avait dessein de rassembler en un corps tous ses ouvrages ; tant ceux qui avaient été imprimés, que ceux qui ne l’avaient pas été. Il les revit pour cela et les augmenta. Il y en eût eu pour quatre volumes in-folio. Sa mort empêcha l’exécution de ce projet. Le Ier. volume aurait contenu tout ce qu’il avait donné au public avant que d’aller à Groningue. On y eût vu en latin plusieurs pièces qui n’avaient paru qu’en français. Le IIe. volume aurait contenu les Opera Theologica Didactica. Le IIIe, les Opera Theologica Polemica. Le IVe. aurait eu pour titre Impietas triumphata. Il était destiné à l’Hydra Socinianismi expugnata, et au Biga Fanaticorum eversa, et au Fabula Præadamitarum refutata. Ce sont trois ouvrages qui avaient été imprimés en divers temps. Le Système de Théologie de cet auteur fut trouvé si méthodique, qu’on s’en servit dans les autres académies, et qu’il le fallut réimprimer plusieurs fois [2]. La dernière édition fut augmentée d’un très-grand nombre de notes où l’auteur explique ses sentimens, et réfute avec son feu ordinaire les censures de ses ennemis. Elle parut à Groningue, l’an 1673. Si je remarque que Grotius est l’un de ceux qu’il a attaqués, c’est pour avoir lieu de détromper ceux qui, ayant lu les Acta Eruditorum, s’imagineraient qu’il n’osa le faire à visage découvert. On trouve dans le journal de Leipsic, que M. Ittigius a censuré Matthieu Polus, qui avait dit que Claude Saumaise, sous le nom de Simplicius Vérinus, réfuta Hugues Grotius sur l’explication de quelques passages du Nouveau Testament qui se rapportent à l’antechrist. M. Ittigius prétend que ce fut notre des Marets qui, sous le nom de Johannes Simplicius, réfuta cette explication de Grotius. Lapsum deprehendit in Matthæo Polo, qui Hugonis Grotii commentationem ad loca quædam Novi Testamenti à Salmasio sub

  1. Elle n’est pas dans la dernière édition, ni dans les deux premières. Elle est, jusqu’en 1654 dans les Vies des professeurs de Groningue.
  2. Hinc primùm mihi nata est hæc Synopsis theologica, non tam aliis, quàm mihi et meis discipulis primitùs destinata : etsi favorabiliùs publicè excepta fuerit quam putassem, adeò ut sæpiùs recudi debuerit, et in omnibus scholis reformatis vel publicè explicari, vel privatim proponi sibi à viris clarissimis in cynosuram suorum collegiorum mos ferè constans fuerit. Mares., in præfat., edit. 1673.