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MARETS.

Ce furent là les premiers actes d’hostilité de part et d’autre, et après cela il n’y eut plus moyen de s’en dédire ; non-seulement les gladiateurs avaient été appariés, mais il y avait déjà du sang répandu.

..........Ubi sanguine bellum
Imbuit, et primæ commisit funera pugnæ,
Deserit Hesperiam, et cœli convexa per auras,
Junonem victrix affatur voce superbâ :
En persecta tibi bello discordia tristi :
Dic, in amicitiam coëant, et fœdera jungant :
Quandoquidem Ausonio respersi sanguine Teucros [1].


Le combat s’échauffa, et l’on revint souvent à la charge. M. des Marets, qui n’avait fuit que des escarmouches [2] pendant les années 1643 et 1644, donna bataille l’an 1645. Voici le titre du livre qu’il publia. Samuelis Maresii Theologi ultima patientia tandem expugnata à D. G. Voetio ultrajectino professore et quibusdam illius assecclis, sive modesta et necessaria defensio tripartita, tum sui ipsius, tum eâ occasione causæ procerum Silvæducentium et decretorum synodicorum circà illam, ipsi extorta variâ ac longâ contumeliarum serie, ac præsertim nupero libello famoso, belgicè edito, et inscripto ; Kort ende oprecht verhael, etc. Le professeur d’Utrecht ne paraissait guère sur le champ de bataille [3] ; il y envoyait ou son fils ou ses amis ; mais le professeur de Groningue ne se laissait pas donner le change ; il frappait toujours le père directement, vous comprendrez où ils en étaient, après avoir fait durer la guerre autant que dura le siége de Troye ; vous le comprendrez par l’ouvrage que des Marets publia l’an 1652 ; en voici le titre : Auctrarium primum bibliothecæ theologicæ D. Gysberti Voetii nuper recusæ cum virulentâ prefatione ; continens 1°. Summariam deductionem litis decennalis quæ ipsi cum Samuele Maresio, licet pacem et amnestiam semper deprecante, hactenùs intercessit ; 2°. Vindicias conditionum amnestiæ et reconciliationis partibus oblatarum, à R. R. deputatis synodi Groning. omlandicæ, ab hoc admissarum et ab illo rejectarum ; 3°. Conditiones iniquissimas et impraticabiles, ab ipso D. Voetio pro imperio præscriptas ; ad ejus pertinax odium et animum invincibiliter irreconciliabilem toti Belgio demonstrandum. C’est un livre in-8o. On croit que cette querelle, qui dura encore dix-huit ans, n’aurait fini que par la mort des parties, si un intérêt commun ne les eût portées à s’accorder, afin de réunir toutes leurs forces contre un parti de théologiens [4] qui était aussi odieux au professeur de Groningue qu’à celui d’Utrecht. Ce qui y eut de remarquable dans cette dispute fut que d’un côté les curateurs de l’académie de Groningue, et de l’autre le magistrat d’Utrecht, offrirent leur médiation aux parties, qui ayant été acceptée, on régla d’abord qu’il y aurait une cessation de tous actes d’hostilité pendant le traité de paix. Ensuite on travailla aux préliminaires ; les médiateurs se dépêchaient les uns aux autres courrier sur courrier, pour convenir du temps et du lieu où se tiendraient les conférences, et du choix des députés plénipotentiaires. Tout cela devint inutile, parce que, pendant ces préliminaires le parti d’Utrecht rompit la trêve, ayant publié un livre très-injurieux à des Marets. L’enlèvement du prince de Furstemberg ne dissipa pas davantage les conférences de la paix générale qui se traitait à Cologne l’an 1674, que ce livre dissipa le projet de paix entre ces deux professeurs. Si l’on veut voir mes preuves en original, on n’a qu’à lire ce qui suit [5] : Caduceum injicere conati sunt nobilissimi et amplissimi hujus academiæ p. t. curatores… Scripserunt cum in finem Ultrajectum, et stipulati sunt ut interim dum ipsi convenirent cum de legatis quibusdam ex N. N. et A. A. illo magistratu ad totum negotium componendum, armistitium bonâ fide servaretur, nec quicquam directè vel indirectè, mediatè vel immediatè ultra

  1. Virg., Æn., lib. VII, vs. 541.
  2. Voyez-en la liste dans l’Appendix du Tribunal iniquum, pag. 151, 152.
  3. Il fut en personne, l’an 1648, à la tête du premier volume de ses Disputes théologiques, (voyez la longue préface de ce volume), et l’an 1651, dans la préface de la seconde édition du Bibliotheca studiosi theologiæ.
  4. Ceux qu’on nomme cocceïens. M. Des Marets, de Statu afflicto studii theologici, pag. 3, l’appelle Factionem Cartesio Lovesteniam remonstranticam.
  5. Maresius, in præfatione Theologi paradoxi retecti et refutati. Ce livre fut imprimé à Groningue, l’an 1649.