ses [* 1] mains furent aussi souples et maniables après sa mort que s’il eût été en vie. J’avoue franchement que je ne vois pas la liaison de ces deux choses. » Je crois comme lui qu’il serait bien difficile de donner une raison naturelle d’un tel effet de la chasteté ; et quant aux raisons miraculeuses, je ne sais pas sur quel rapport, ou sur quelle analogie on les pourrait appuyer. Peut-être se fondait-on sur l’argument des contraires, et cela en conséquence d’une tradition monacale, qui établit que tous ceux qui ont à faire à des religieuses, sont accusés après leur mort, et convaincus de cette action par une certaine raideur qui se remarque dans la partie par laquelle ils ont péché. Notabile est quod Mariani [1] dicunt, eum qui spurium ex moniali procreârit, singularissimè à Deo post mortem puniri, uti celeberrimus medicus Leonellus Faventinus, c. 7, secundæ partis practicæ medicinalis hoc mysterium naturæ aperuit, qui coit, inquiens, cum monachâ vel moniali, quandò talis moritur, remanet virga ejus tensa, Unde dicitur in carmine apud vulgares :
Qui monachâ potitur, virgâ tendente moritur.
Cujus et meminit Wolfgangus Hidebrandus
Mag. Nat. l. r. c. 31, p. 34.
Erford. impress. 16. 22. Et fortè an
etiam moniales stupratæ post mortem
peculiari signo notantur, quòd honoris
et pudoris ergò reticetur. Certè si
miracula hæc quotidiè contingerent,
pauciores spurii invinerentur [2]. Les
paroles de Léonel Faventinus, que je
viens de rapporter, ont été citées par
Henri Korman, au chapitre LXVII
de la IVe. partie des Miracles des
morts.
Je remarquerai par occasion quelques singularités fort notables qui se trouvent dans Alegambe, sur la chasteté de certains jésuites. Il dit que le père Gil, qui mourut l’an 1622 à l’âge de soixante et treize ans, ne connaissait de visage aucune femme, tant il prenait garde que ses sens ne s’arrêtassent sur ces objets. Il se craignait lui-même : il avait presque horreur de se toucher ; et il rendit grâce à Dieu d’avoir la vue mauvaise, parce que cela lui avait fourni de grands remèdes de chasteté. Erat severissimus suorum sensuum custos : nullam tot annis feminam de facie noverat ; se quoque ipsum attingere quodammodò horrebat. Agebat Deo gratias pro hebetatâ sibi acie oculorum ; ex quo multa conmoda castimontæ persentisceret [3]. Le père Costérus avoua que jamais sa chasteté ne fut vaincue par aucun mouvement irrégulier, ni par quelque imagination malhonnête [4]. Le père Coton, qui avait été confesseur d’un prince fort impudique [* 2], et dont la cour avait suivi la maxime,
Regis ad exemplum totus componitur orbis,
mourut vierge, et conserva de telle
sorte la pureté intérieure, qu’il
avait horreur de tout ce qui pouvait
choquer cette vertu : et il avait l’odorat
si fin à cet égard, que les personnes
qui l’approchaient après avoir
violé les lois de la chasteté, excitaient
en lui un sentiment de puanteur
insupportable. Castitatem impensè
coluit, et virginitatis decus
ad extremum usquè obtinuit. Sensus
frænabat accuratâ custodiâ, et horrore
quodam impuritatis ; quam etiam
in iis qui se illâ fœdâssent, ex graveolentiâ
nescio quâ discernebat [5].
Le père Spiga, qui mourut l’an 1594,
âge de soixante et quatorze ans, passait
pour vierge : il n’avait jamais
regardé aucune femme, et il n’aurait
su distinguer ses propres nièces
les unes des autres, quoiqu’il eût été
leur confesseur ; et il ne serait entré
chez elles pour rien du monde,
quand il savait qu’elles étaient seules.
Castitati tuendæ, nunquàm feminas
intuitus est. Neptes suas, quas crebrò
confitentes audierat, inter se
distinguere nesciebat ; ad illas, si domi
solæ essent, non poterat induci
ut intraret, quanticunque momenti
negotio urgeretur. Opinio constans
- ↑ (*) Castitatis cultor studiosissimus, cujus aliquis effectus esse potuerit quòd mortuo manus fuerint ita tractabiles ac si viveret.
- ↑ * Henri IV.
- ↑ C’est ainsi que cet auteur nomme les catholiques romains, comme s’ils avaient la Sainte Vierge pour le chef de leur religion.
- ↑ Lyser. Polygamia triumphat., pag. 314.
- ↑ Alegambe, pag. 369, col. 1.
- ↑ Virginitatem nullâ unquàm cogitatione aut indecoro motu oppugnatam se servâsse fassus est ipse aliquandò. Idem, pag. 118.
- ↑ Idem, pag. 379, col. 2.