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MACHIAVEL.

ville de Rome. Il fut secrétaire, et puis historiographe de la république de Florence. Les Médicis lui procurèrent ce dernier emploi avec de bons gages, afin d’apaiser le ressentiment où il était de la question qu’il avait soufferte [a]. On la lui fit donner parce qu’on le soupçonna d’être complice des machinations qui furent faites par les Sodérini, contre la maison de Médicis. Il eut la force de résister aux tourmens, et n’avoua rien [b]. Les louanges qu’il donnait à Brutus et à Cassius dans ses discours et dans ses livres, le rendirent fort suspect d’avoir été le principal directeur d’un attentat qui fut découvert [c] (C). Néanmoins on ne fit contre lui nulles procédures. Mais depuis ce temps-là il vécut dans la misère, se moquant de tout, et n’ayant nulle religion [d]. Un remède qu’il avait pris par précaution lui donna la mort, l’an 1530 (D). Quelques-uns disent qu’il fallut avoir recours à l’autorité publique pour le contraindre de prendre les sacremens [e]. D’autres assurent qu’il mourut en proférant des blasphèmes [f]. Celui de ses livres contre lequel on s’est le plus soulevé [g], est un ouvrage de politique qu’il intitula le Prince (E). Plusieurs auteurs l’ont réfuté. Possevin, qui ne l’avait point lu, fut néanmoins cause que l’inquisition le condamna (F). Machiavel publia sept livres de l’art militaire, qui le firent passer dans l’esprit du duc d’Urbin pour un homme très-capable de mettre une armée en bataille ; mais il eut la prudence de n’oser jamais essayer sa théorie, non pas même sur un escadron (G). On a publié depuis peu une nouvelle version française de la plupart de ses livres (H). Sa nouvelle de Belphégor, pièce très-ingénieuse, fut publiée par M. le Fèvre de Saumur, l’an 1664 [h]. Ou trouve dans la suite du Menagiana [i] une chose très-curieuse, sur la finesse dont Machiavel se servit en composant la vie de Castrucio Castracani. Cette Vie a été traduite en français par M. Guillet. On prétend qu’elle fut écrite de mauvaise foi (I) ; et on fait le même jugement de son Histoire de Florence [j] (K). Vous verrez ci-dessous quelques contes touchant son irréligion (L). Il y a des gens qui disent [k] qu’il fut au service de César Borgia en qualité de conseiller favori [l] ; et peut-être négociait-il pour lui en France, lorsqu’il eut à Nantes avec le cardinal de Rouen, la conversation dont il a parlé dans le IIIe. chapitre du Prince.

Ceux qui disent que dans cet ouvrage-là il avait dessein de représenter Charles-Quint, s’a-

  1. Jovius, Elog., c. LXXXVII, p. 206.
  2. Varillas, Anecd. de Florence, pag. 247.
  3. Jovius, Elog., c. LXXXVII, p. 206.
  4. Voyez la remarque (D).
  5. Voyez Varillas, Anecd. de Florence, pag. 249.
  6. Blasphemans evomuit improbum spiritum. Th. Raynaudus, de malis et bonis Libris, num. 46, pag. 48.
  7. Theophil. Raynaud, là même, donne la liste de plusieurs auteurs qui ont réfuté Machiavel.
  8. Voyez le Journal des Savans du 12 janvier 1665.
  9. Pag. 96 de l’édition de Hollande.
  10. Jovius, Elogior. cap. LXXXVII, pag. 205.
  11. Bosius de Comp. Prud. Civ., num. 42.
  12. Conring. Præf. Principis Machiavelli.