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MARILLAC.

ches : qu’elles fussent détournées par le moyen des femmes de chambre, et que cette bonne princesse ne connût point la défiance qu’il avait... Ceux qui formaient cette cabale s’étaient rendus habiles dans la pratique et le gouvernement des femmes..... Marillac devait être le brave de la faction : c’est pourquoi l’on dressa une batterie pour le faire maréchal de France, et l’on persuada si bien à la reine-mère qu’il y allait de son honneur et de son service de le pousser jusque-là, qu’elle mit en œuvre de très-fortes recommandations qui forcèrent le cardinal d’arracher lui-même ce bâton des mains du roi, pour le bailler à cet importun, au siége de Privas [a]. Ce nouveau maréchal de France, et son frère qui était alors garde des sceaux, continuèrent à travailler à la ruine du cardinal : ils espérèrent de le faire échouer en Italie ; et pour cet effet ils tâchèrent d’empêcher que le roi ne s’approchât du Piémont, et dans la même vue le maréchal fit la sourde oreille aux ordres que le roi lui donnait d’amener son armée de Champagne en Italie [b] (H). Il partit enfin ; mais il retint ces troupes auprès de Lyon, pour exécuter les délibérations qui furent faites contre la personne du cardinal [c]. La guérison du roi fit avorter ce complot. Le maréchal passa les monts, et obtint le même pouvoir sur les armées, que le maréchal de la Force, et le maréchal de Schomberg [d] : mais le grand coup de la cabale ayant manqué, je veux dire que la reine n’obtint point la grâce qu’elle avait demandée au roi son fils d’éloigner le cardinal, les Marillacs furent perdus [e] ; le roi, après avoir ôté les sceaux à l’aîné, puissans et dangereux instrumens en une si mauvaise main, le fit conduire à Lisieux [f], et donna charge aux maréchaux de la Force et de Schomberg d’arrêter l’autre, et de l’envoyer prisonnier sous grande garde au château de Sainte-Menehould. Voilà quelques extraits du livre de M. du Châtelet. Il ne manqua pas de parler de l’engagement que l’aîné de ces messieurs avait pris avec la ligue (I). On voit dans le Moréri, que le maréchal refusa toujours les offres que ses amis lui faisaient de le tirer de prison, et que sa mémoire fut rétablie par arrêt du parlement après la mort du cardinal de Richelieu (K). Cela mérite une réflexion.

  1. Du Châtelet, Observations sur la vie et condamnation de Marillac, pag. 785.
  2. même, pag. 793.
  3. Là même, pag. 799.
  4. Là même.
  5. Là même, pag. 803.
  6. Le père Anselme, Histoire des grands Officiers, pag. 104. dit qu’on le mena au château de Caen, et de là à celui de Châteaudun, où il mourut en prison, le 5 d’août 1632.

(A) L’opinion... commune est qu’il fut une victime innocente ;... mais on persuaderait cela difficilement à des personnes qui... ne se rendent qu’à la certitude. ] La remarque (F) de l’article de Louis XIII pourrait suffire à commenter ce texte-ci. Néanmoins, j’y ajouterai beaucoup de choses : et d’abord je remarquerai que présentement [1] il est beaucoup moins facile de découvrir la vérité, qu’au temps où l’on instruisait le procès de M. de Marillac, On pouvait alors s’in-

  1. On écrit ceci en octobre 1700.