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MASCARDI.

suivi à un jour près la chronologie de Vossius.

(G) ..... Ce fut l’an 1500. ] La matière dont Paul Jove caractérise cette année ne permet pas de douter qu’elle ne fût la dernière du XVe. siècle. Voyez la remarque précédente à la fin. D. Pierre de St.-Romuald ne se mécompte que d’environ la moitié d’un siècle. Voici ce qu’il dit, sous l’an 1545 : « Michel Marulle, natif de Constantinople, qui a écrit fort élégamment en vers latins, à l’imitation de Tibulle et de Catulle, et qui avait servi l’empereur Maximilien en qualité de capitaine, se noya dans la Toscane ; ce que déplorant un poëte italien en son épitaphe, il dit à la fin que s’il devait perdre la vie en l’eau,

 » Mergier Aonio flumine debuerat,


» Façon de parler qui n’a pas agréé à feu M. de Balzac [1]. »

Sandius a réfuté Vossius, par la raison que Pontanus, qui cessa de vivre l’an 1503 ou 1505, a fait des vers sur le décès de Marulle. Il observe qu’il y a des gens qui ont mis au 16 de mai 1466 la mort de Marulle, et il les convainc de fausseté par les épigrammes de ce poëte contre le pape Innocent VIII, et sur la mort de Théodore de Gaza, et sur celle de Jean Pic de la Mirandole. Ce pape siégea depuis l’an 1484 jusqu’en 1492. Théodore de Gaza mourut l’an 1478, et Jean Pic de la Mirandole l’an 1494. Ainsi les preuves de Sandius sont très-bonnes. Il rejette avec raison le sentiment de ceux qui ont dit que Marulle florissait l’an 1520 [2].

(H) .... J’ai lu dans un livre nouveau que cette infortune lui avait été prédite ; mais le témoin qu’on cite ne dit rien moins que cela. ] Pour vider cette question de fait, il ne faut que comparer le passage de l’auteur moderne avec les paroles de Piérius Valérianus, c’est son témoin. Suffocatus est Marullus in Tusciæ amne Cecinâ fallente equum vestigio. Miserabile id leti genus multis annis antè ipsi prædictim fuisse, indèque semper aquas timuisse auctor est Pierius Valerianus in Dialogis de litteratorum infelicitate, qui rei veritatem ignorare non poterat, ipsamque adeò carmine quodam suo, multò antè Marulli mortem posteritati palàm fecerat [3]. Selon ce narré, nous n’aurions pas ici une de ces prédictions après coup qui sont si fréquentes, mais une prédiction publiée long-temps avant l’événement : elle serait donc de poids si le fait était certain. Or nous allons voir que Piérius Valérianus ne parle point de la prédiction, et que ses vers sont postérieurs à l’infortune de Marulle. J’ai cité ci-dessus [4] un long passage de ces savans malheureux, duquel la conclusion était, aquâ suffocatus interiit. Voici les paroles immédiatement suivantes : Verum igitur fuit quod meus Pierius jam tum puer de Marullo cecinit. Cat. Quidnam ? illud musici recita, obsecro, quoniàm libenter ejus cantilenas ausculto. On rapporte les vers de Piérius qui roulent sur cette pensée, qu’il ne fallait pas que Marulle se fâchât de périr dans l’eau. La crainte qu’on lui attribue ne regarde que le temps auquel son cheval s’abattit sous lui dans le Cécina. Mais, dira-t-on, Piérius était fort jeune lorsqu’il fit ces vers, jam tùm puer : il les fit donc avant l’année 1500 ; car, selon M. de Thou, il mourut en 1550, âgé de quatre-vingt-trois ans. Je réponds que M. de Thou s’est trompé. L’Impérialis [5] met la mort de Piérius à l’année 1558, et ne lui donne alors que quatre-vingt-un ans. Ainsi il n’aurait eu que vingt-trois ans lorsque Marulle mourut. Or il n’est pas sans exemple dans la belle latinité qu’à cet âge-là on soit nommé puer : et, quoi qu’il en soit, les vers de Piérius n’ont point précédé la mort de Marulle.

  1. Saint-Romuald, Abrégé du Trésor chr., tom. III, pag. m. 300. Voyez Balzac, Socrate chrétien, pag. m. 228.
  2. Tiré de Sandius, Net. in Vossium, de Hist. lat, pag. 227.
  3. Not. ad Sannazari Eleg., pag. 191, edit. Amstel., 1689.
  4. Dans la citation (16).
  5. Voyez son Musæum Historicum, p. 40.

MASCARDI (Augustin) a été un savant homme, et l’un des meilleurs orateurs du XVIIe. siècle [a]. Il était né à Sarzane

  1. Michel Giustiniani, gli Scrittori Liguri descritti, pag. 24. Nicius Erythræus, Pinacoth. I, pag. 113.