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MILTON.

langues. Le sieur Porrée le traduisit en français, et y ajouta une fort longue préface, et dédia sa version au roi d’Angleterre, Charles II. Je me sers de l’édition de Paris, chez Louys Vendosme, 1649, in-12. En voici le frontispice : ΕΙΚΩΝ ΒΑΣΙΛΙΚΗ, le Pourtraict du roy de la Grand’ Bretagne. Fait de sa propre main, durant sa solitude et ses souffrances. Rom. 8. Plus que vainqueur, etc. Bona agere, et mala pati, regium est. Revue, corrigée, et augmentée de nouveau. Milton, qui réfuta cet ouvrage, supposa que les amis de Charles Ier., en étaient les véritables auteurs, et qu’ils l’avaient publié afin de rendre plus odieuse la conduite des parlementaires. J’ai une version française de sa réponse in-12, et voici tout ce que le titre en contient : ΕΙΚΟΝΟΚΛΑ᾽ΣΤΗΣ, ou réponse au livre intitulé ΕΙ᾽ΚΩ᾽Ν ΒΑΣΙΛΙΚΗ᾽ : ou Le Portrait de sa sacrée majesté durant sa solitude et ses souffrances, par le sieur Jean Milton ; traduite de l’anglais sur la seconde et plus ample édition, et revue par l’auteur, à laquelle sont ajoutées diverses pièces, mentionnées en ladite réponse, pour la plus grande commodité du lecteur. À Londres, par Guill. Du-Gard, imprimeur du conseil d’état, l’an 1652, et se vend par Nicolas Bourne, à la porte Méridionale de la vieille Bourse. Voyons un passage de la réplique de Milton au Clamor regii Sanguenis : il concerne l’ordre que le roi donna sur l’échafaud, à M. l’évêque de Londres, de faire savoir à son fils qu’il voulait que l’on ne punît jamais les auteurs de son supplice. Cet évêque, pressé par les juges de déclarer ce que le roi lui avait recommandé, avoua enfin ce que c’était. Milton décoche là-dessus cette remarque : O magis, regemne dicam pietatis, an episcopum rimarum plenum ! qui rem tam secretò in pegmate suæ fidei commissam ut effutiret, tam facilè expugnari potuit. At ô taciturne ! jampridem Carolus hoc idem inter alia præcepta filio mandaverat, in illâ Icone basilicâ, quem librum ideò scriptum satis apparet, ut omni cum diligentiâ nobis vel invitis secretum illud, quâ ostentatione simulatum erat, eâdem paulò post evulgaretur. Sed video planè decrevisse vos Carolum quemdam absolutissimum, si non Stuartum hunc, at saltem hyperboreum aliquem et fabulosum, fu catis quibuslibet coloribus depictum, imperitis rerum obtrudere ita fabellam hanc velut acroama quoddam, diverbiis et sententiolis pulchrè distinctam, nescio quem ethologum imitatus, ad inescandas vulgi aures putidé concinnâsti [1]. Le sentiment de cet écrivain n’avait point fait d’impression dans les pays étrangers. Tout le monde y était persuadé que le roi Charles Ier. avait fait le livre qui portait son nom. Cela faisait tant d’honneur à sa mémoire, et paraissait si capable de le faire considérer comme un vrai martyr, que l’on jugeait que Milton s’inscrivant en faux n’avait fait que se servir de la ruse des avocats qui nient tout ce qui est trop favorable au parti contraire. Ce qui restait de cromwellistes en Angleterre se conformait au jugement de Milton ; mais leur sentiment était suspect par la raison que je viens dire. Tous les partisans de la cause de Charles Ier. s’opposaient avec ardeur à ce sentiment ; et comme les intérêts de leur cause se trouvaient dans l’opinion que ce prince était l’auteur véritable de l’Εἰκὼν βασιλικὴ, ils pouvaient être suspects tout comme les autres, de se servir de l’artifice des avocats. Néanmoins leur opinion prévalait en Angleterre, et ne pouvait être combattue par des faits certains. Enfin il est arrivé des choses qui l’ont détruite. Voici le commencement et le progrès de l’affaire, selon le narré de M. Toland.

L’an 1686, M. Millington vendait à l’encan la bibliothéque de milord Anglesey, et lorsqu’on en fut à l’Icon basilica, il eut le temps de feuilleter l’exemplaire ; car les enchérisseurs étaient fort froids. Il y rencontra une page où milord Anglesey avait écrit de sa propre main ce qui suit : « Le roi Charles II et le duc d’Yorck, voyant un exemplaire manuscrit de cet ouvrage, que je leur montrai dans la chambre des seigneurs pendant les dernières séances du parlement, l’an 1675, dans lequel exemplaire il y avait des corrections et des changemens écrits de la propre main du roi

  1. Milton, Defens. II, pag. m. 86.